Au Bénin, des groupes de discussions entre professionnels permettent de réduire la mortalité dans un pays où 38 000 enfants meurent chaque année avant l’âge de 5 ans. C’est le cas de « Sauvons nos bébés et mamans », une initiative de Soliou Badarou.
« Sauvons nos bébés et mamans »
La lutte contre la mortalité infantile se fait de différentes manières sur le continent. Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, le Bénin, les professionnels de santé ont décidé de mettre sur pied des groupes WhatsApp pour aider à poser des diagnostics médicaux.
Soliou Badarou est un spécialiste de santé maternelle et néonatale. En 2017, il a lancé « Sauvons nos bébés et mamans », un groupe de discussion WhatsApp de plus de deux cents praticiens. L’objectif derrière la création de ce groupe est de mettre en relation les professionnels de santé pour qu’ils échangent et posent un diagnostic sur les cas les plus difficiles. Ceux sur lesquels ils ont besoin de l’avis d’un confrère ou d’un spécialiste. Pour ce médecin, « il y avait urgence » et l’idée était simple mais très bien pensée.
Dans le groupe WhtasApp « Sauvons nos bébés et mamans », des cas variés sont évoqués au gré des besoins. Les photographies de blessures succèdent aux descriptions de symptômes et aux demandes de diagnostic ou de solutions, notamment pour des cas d’anémie et de paludisme sévères. Soliou Badarou explique : « Certains professionnels de santé peuvent se sentir démunis face à des cas particuliers. Cet outil leur facilite la vie car, via le réseau, un confrère leur apporte un second regard ».
Pédiatres, sages-femmes ou bien encore gynécologues échangent sur la plateforme et cela réconforte ceux qui doutent le plus. Aujourd’hui, 224 personnes font partie de la boucle « Sauvons nos bébés et mamans », dont le ministre de la santé du Bénin, par ailleurs médecin.
Le Bénin manque de praticiens
Selon les données de l’Unicef, on compte 8,3 professionnels de santé pour 10 000 habitants au Bénin. Ces données ne permettent pas de couvrir les besoins et laissent de vastes zones blanches. « A Bohicon, ville située à 120 km au nord de Cotonou, la capitale économique, nous n’avons aucun pédiatre alors que quelque 15 000 accouchements sont pratiqués chaque année », déplore Blaise Guezo Mevo, médecin de santé publique à la maternité de la ville. Bien d’autres parties du pays sont aussi confrontées cette réalité que connaît Bohicon.
« Des chiffres inacceptables ! »
Le manque de spécialistes contribue au décès annuel de 38 000 enfants avant leur cinquième anniversaire et 12 000 bébés meurent avant d’avoir fêté leur première bougie. « Des chiffres inacceptables ! », s’indigne Soliou Badarou. Ce spécialiste veut déjà se concentrer sur les 12 000 bébés qui meurent avant d’avoir fêté leur première bougie. La natalité au Bénin est encore à 5,7 enfants par femme en âge de procréer, et atteint même 6,8 enfants dans le Donga, région du nord du pays. Ce qui explique que les services de santé ont d’énormes difficultés à offrir un encadrement suffisant.
Un réseau de professionnels
Les membres du réseau d’échange « Sauvons nos bébés et mamans » vivent dans 6 des 12 régions du Bénin parmi les moins bien dotées en praticiens. « Grâce à ce groupe, nous avons l’opportunité d’échanger avec des professionnels de santé pour poser un diagnostic, discuter ensemble des problèmes de prise en charge qui nous dépassent », avance Belynda Dagba, sage-femme au centre de santé de Koudo, une ville située au sud-ouest du pays.
Il n’a pas fallu longtemps à Belynda pour se laisser convaincre de l’utilité de la plateforme. « J’ai recueilli une petite fille de 4 mois, malnutrie avec une mère malade mentale qui voulait la brûler. Quand je l’ai reçue, je ne savais pas du tout quelle démarche entreprendre. J’étais vraiment démunie et j’ai posé la question à un docteur du groupe qui m’a mis en relation avec la direction des affaires sociales de la localité », raconte-t-elle. Aujourd’hui, Belynda Dagba est fière que le bébé ait été mise en sécurité grâce au dispositif. Et les cas de ce genre sont nombreux.
Harmoniser les pratiques
L’un des avantages de ce forum de discussions est d’harmoniser les pratiques. « Il y a autant de façons de faire que de praticiens. On le voit toujours sur des exemples aussi simples que le choix du moment pour couper le cordon ombilical », explique Saliou Badarou, l’initiateur du projet. Le débat reste ouvert et le groupe de discussions permet échanges et retours d’expérience. C’est également un canal de formation et de perfectionnement, déclare Eléonore Dah, sage-femme et cheffe du service santé de la mère et de l’enfant à Mono, dans le sud-ouest du pays. « Cela permet d’offrir une formation continue à un grand nombre de professionnels ».
En dehors du groupe WhatsApp, Soliou Badarou a lancé à la mi-novembre l’application Vacci Appel, une plateforme qui envoie des messages pour rappeler les dates de vaccination et de rappels aux familles. Les débuts sont prometteurs, ce qui lui permet de conclure que « des solutions simples et qui ne nécessitent pas de mobiliser beaucoup d’argent existent bel et bien pour réduire la mortalité infantile ».
Source : Le Monde Afrique