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Ibrahim Mahama : le passeur d’archives matérielles du Ghana

Ibrahim Mahama Ibrahim Mahama

À travers des sacs de jute usés, des wagons abandonnés et des tissus brodés à la main, Ibrahim Mahama tisse la mémoire d’un Ghana invisible. Artiste engagé et bâtisseur culturel, il transforme les traces du passé en œuvres monumentales qui interrogent notre monde. Portrait d’un passeur d’histoires devenu figure de proue de l’art contemporain africain.

Du nord du Ghana aux institutions artistiques les plus prestigieuses, Ibrahim Mahama a fait du rebut une matière à réflexion, et de l’archive matérielle, une œuvre monumentale. Figure de l’art contemporain africain, il redéfinit l’art comme vecteur d’engagement communautaire et de transmission historique.

Il y a, dans les gestes d’Ibrahim Mahama, quelque chose d’un tailleur de mémoire. Né à Tamale en 1987, l’artiste ghanéen n’a jamais cessé de dialoguer avec son territoire d’origine, tout en s’inscrivant dans les grands débats mondiaux de l’art contemporain africain. Diplômé de la Kwame Nkrumah University of Science and Technology (KNUST), l’artiste ghanéen a commencé par la peinture. Mais très vite, c’est le tissu, le sac, l’objet marqué par le labeur, qui devient sa toile.

En 2012, une intuition fondatrice le pousse à collecter des sacs de jute usagés, utilisés au Ghana pour transporter charbon, cacao ou riz. Portant les stigmates du travail, inscriptions, éraflures, poussière, ces sacs deviennent pour lui des “archives matérielles”, témoins silencieux des circuits économiques et des rapports de force mondiaux. C’est cette matière qu’il assemble, coud, magnifie pour envelopper des bâtiments ou des espaces publics. Une signature artistique est née.

En 2015, il attire l’attention du monde entier en recouvrant un pavillon de la Biennale de Venise de sacs de jute, qui interrogent les mécanismes d’exploitation dans une économie globalisée. Deux ans plus tard, il marque la Documenta 14 à Athènes et Kassel avec des installations monumentales qui questionnent la mémoire coloniale à travers des matériaux récupérés.

Ibrahim Mahama : une esthétique de la récupération et de la révolte

Qu’il s’agisse de sièges de train désaffectés, de bois brut ou d’objets de rebut, Ibrahim Mahama élève ces fragments à la dignité d’œuvres d’art. Des expositions comme Labour of Many (Norval Foundation, 2019) ou Parliament of Ghosts (Manchester, Whitworth, 2019) font entrer dans les musées les récits oubliés de ceux qui n’ont pas laissé de traces écrites. Chaque pièce, chaque couture, porte une mémoire collective.

Mais Ibrahim Mahama ne s’arrête pas à l’installation. Il investit les fruits de son succès dans l’édification d’institutions culturelles au Ghana. Le Savannah Centre for Contemporary Art (SCCA), inauguré en 2019 à Tamale, est à la fois lieu d’exposition, centre de recherche et espace éducatif. En 2020, il ouvre le Red Clay Studio, un vaste complexe artistique qui inclut résidences, archives, et même des avions et wagons réaménagés en salles pédagogiques. En 2021, il transforme un ancien silo en centre culturel, baptisé Nkrumah Volini. Trois espaces, une même ambition : faire de l’art un levier de transmission et de transformation sociale.

En avril 2024, l’artiste ghanéen frappe un grand coup en recouvrant la façade du Barbican Centre à Londres de 2 000 m² de tissu magenta, qui intègre plus de 130 batakaris traditionnels, ces boubous du nord du Ghana. Cette œuvre, réalisée avec 1 000 artisans sur cinq mois, rend hommage au roman Purple Hibiscus de Chimamanda Ngozi Adichie. C’est aussi une déclaration d’amour à la culture ghanéenne, cousue à la main, mètre après mètre, par des mains invisibles devenues visibles.

Inspiré par l’approche engagée de Robert Rauschenberg et le projet ROCI, Ibrahim Mahama voit dans l’art un outil de dialogue, de réparation et d’inclusion. Sa démarche est profondément collective. Elle met au centre les invisibles, qu’ils soient ouvriers, migrants ou objets usés. Elle fait de l’art un espace de mémoire vivante, capable de transformer le déchet en dignité, l’échec en œuvre, et la fracture sociale en pont culturel.

À 37 ans, Ibrahim Mahama est devenu l’une des figures de l’art contemporain africain, reconnu pour ses installations à grande échelle, son engagement communautaire, et sa capacité à faire du local un langage universel.

Magazine panafricain

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