Juriste de formation, technocrate rigoureux, auteur prolifique et formateur engagé, Kingsley Moghalu trace une voie singulière dans l’espace public africain. À travers ses fonctions, ses écrits et ses institutions, il invite à repenser le rôle de l’État, la place de l’Afrique dans le monde et les leviers d’un développement plus structuré. Portrait.
Ancien haut responsable onusien, ex-vice-gouverneur de la Banque centrale du Nigeria et fondateur d’une école panafricaine de gouvernance, Kingsley Moghalu est un modèle exigeant de leadership africain. Dans un continent en quête de repères durables, son parcours démontre que les idées structurantes sont aussi puissantes que les armes, et que l’élégance intellectuelle peut changer le destin des nations.
Il est de ces figures rares qui avancent sans tumulte, mais laissent derrière elles des empreintes profondes. Kingsley Chiedu Moghalu, né en 1963 à Lagos dans une famille igbo, a grandi entre le Nigeria, la Suisse et les États-Unis. Cet itinéraire multiculturel, nourri par la diplomatie de son père, a nourri un regard acéré sur le monde, une rigueur intellectuelle et une foi dans le potentiel africain. Il ne sera ni prédicateur populiste, ni simple technocrate, mais un passeur de stratégies, au service d’une Afrique souveraine et compétente.
Après une licence en droit à l’Université du Nigeria, Kingsley Moghalu affine son profil académique dans trois institutions prestigieuses : la Fletcher School à Tufts, la London School of Economics, et le programme d’executive education de Harvard. Il y construit un socle théorique solide, qu’il mettra à l’épreuve du réel au sein des Nations Unies pendant 17 ans.
Du Rwanda post-génocide à la Croatie en reconstruction, en passant par le Conseil de sécurité, il observe de près la mécanique du pouvoir mondial. Ces expériences forgent chez lui la conviction que l’Afrique ne sera audible que si elle parle avec compétence, stratégie et confiance. Il deviendra l’un de ses plus ardents promoteurs.
À la Banque centrale du Nigeria, Kingsley Moghalu lance des réformes de fond

Le véritable tournant national arrive en 2009, lorsqu’il est nommé vice-gouverneur de la Banque centrale du Nigeria (CBN). Dans un pays marqué par l’instabilité financière, Kingsley Moghalu entreprend un travail de fond. Il introduit le Bank Verification Number (BVN), outil-clé contre la fraude bancaire, promeut la finance inclusive, et renforce la régulation des institutions financières. Mais au-delà des chiffres, il conçoit l’économie comme un outil de transformation sociale.
En 2018, alors que beaucoup se seraient contentés d’une retraite prestigieuse, Kingsley Moghalu choisit l’arène politique. Il se présente à l’élection présidentielle avec pour slogan : Build, Innovate, Grow. Sans parti dominant ni parrains politiques, il porte un discours de rupture, basé sur la compétence, la jeunesse et l’intégrité.
Sa campagne, bien que non victorieuse, impose une nouvelle idée du leadership : structurée, crédible et affranchie des logiques tribales. Même après son retrait de la politique partisane en 2022, il reste influent à travers le mouvement To Build A Nation (TBAN), ses publications et ses prises de position dans les médias internationaux.
Auteur de plusieurs ouvrages, dont l’essai remarqué Emerging Africa, Kingsley Moghalu plaide pour une Afrique stratège. Selon lui, le continent n’est pas pauvre par fatalité, mais à cause d’un déficit chronique de vision, d’audace et de leadership. Il déconstruit les discours d’assistanat et de victimisation, et appelle à l’émergence d’États responsables, productifs et éduqués. Sa pensée repose sur trois piliers : le capital humain, la bonne gouvernance et la pensée stratégique. Des idées qu’il ne se contente pas de prêcher, mais qu’il met en œuvre.
Depuis Kigali, capitale de la résilience et de l’innovation africaine, Kingsley Moghalu dirige aujourd’hui l’African School of Governance (ASG). Cette institution panafricaine vise à former une nouvelle génération de décideurs publics, capables de concevoir et piloter des politiques efficaces.
Loin des slogans creux, cette école est une réponse concrète au besoin de compétence dans la gestion des États africains. À 61 ans, Kingsley Moghalu est un véritable modèle de leadership africain rigoureux.