Nous bouclons dans ce nouveau numéro du magazine Ocean’s News notre série sur “les changements endogènes et exogènes que connaissent vos entreprises”. Pour ce dernier chapitre, je vous parlerai comme promis de la “Pratique de la conduite du changement”. Je vous propose un petit exercice pour commencer. C’est juste une simulation. Je vous demanderai de prendre un stylo et un bloc-notes.
Exercice : Prenez votre stylo et recopiez cette phrase 5 fois sur un morceau de papier : « J’AIME MON TRAVAIL ». Cela vous prendra une ou deux minutes. Quand vous aurez fini, essayez de faire la même chose, mais cette fois-ci, utilisez l’autre main. Si vous avez effectué cet exercice, alors vous avez certainement pu observer que recopier la phrase avec votre main habituelle était si aisé, fluide et sans effort presque, tandis que le faire avec l’autre main vous était presque impossible à réaliser.
Vous avez eu pas mal de difficultés à former les lettres correctement et même à écrire adroitement. C’est un exercice qui semble si simple, cependant les difficultés n’étaient pas moindres. Imaginez-vous un instant sans pouvoir travailler avec votre main habituelle, votre main forte. Seriez-vous aussi performant ?
Tout comme ce petit changement modifie certaines de vos habitudes dans votre aisance, les changements en entreprise modifient toutes autant qu’elles soient vos habitudes de gestion opérationnelle, votre productivité, etc. Alors bien avant de vous engager dans quelconque projet de changement, il vous est judicieux et primordial de vous assurer certaines connaissances et compétences. La conduite du changement se fait en trois phases et chaque phase est jalonnée par des étapes.
La phase de diagnostic dans la pratique de la conduite du changement
Cette étape est cruciale, car c’est à ce niveau que se fait la note de cadrage du projet de changement. La note de cadrage n’est rien d’autre que la synthèse d’un certain nombre de questions en amont au changement. Exemple :
- Définition du besoin : Il s’agit de l’origine et de la justification du besoin. C’est ici que l’on se demande s’il y a une réelle nécessité d’aller vers le changement ou pas.
- Constat : Il s’agit ici de décrire la situation actuelle et éventuellement pourquoi il est impérieux de changer.
- Résultat attendu : Il s’agit ici de décrire de manière concrète les livrables comme l’implémentation d’un nouveau système d’information ou plutôt la mise en place d’une nouvelle organisation.
- Les risques : Il s’agit ici de dresser la liste des risques éventuels liés au projet et de mettre en place un plan d’action pour y faire face.
- Gains attendus : Répondre à la question « pourquoi fait-on ce projet ? »
Le gain peut être financier ou non financier tel que l’amélioration de l’image de l’entreprise. Cette phase de diagnostic est très importante en amont, afin de savoir quelle orientation donner au projet de changement et d’éviter les surprises.
Phase d’accompagnement dans la pratique de la conduite du changement
Cette phase se caractérise principalement par la gestion de la communication et de la résistance.
- La gestion de la communication
J’ai débuté ma carrière comme contrôleur de gestion dans une entreprise industrielle fonctionnant par projets. Il fallait donc établir tous les mois un reporting (une sorte de rapport) sur les indicateurs d’avancement des projets et d’identifier les différents écarts de dérapage. Pour ce faire, il fallait discuter avec les opérationnels du projet afin d’identifier l’origine des écarts. Un jour, j’étais visiblement découragé par mon manque d’informations “opérationnelles” pour justifier mes écarts sur les projets.
Mon chef avait remarqué mon état de découragement face au manque d’information et m’a dit quelque chose qui m’a marqué : « Yves, les gens ont besoin d’être rassurés pour parler. Ce que nous écrivons dans nos reportings peut nuire à leur carrière, donc ils craignent de dire exactement ce qui ne va pas. Ils craignent de révéler les causes des dérapages. Il faut donc les RASSURER pour qu’ils se livrent. Ils ont besoin de comprendre que tu es du même bord et que tu les comprends. Ne viens donc pas avec ta casquette de CONTRÔLEUR, mais plutôt avec ta casquette de BUSINESS PARTNER… Il faut aller prendre un café avec eux, discuter avec eux, pour comprendre leurs difficultés, leurs craintes, allez les voir dans leur bureau, aller vers eux et ne pas rester scotché devant ton ordinateur. C’est ainsi qu’ils s’ouvriront à toi ».
Ce conseil sur l’importance de rassurer les gens ne m’a jamais quitté, j’essaie de l’appliquer dans toutes les circonstances de ma vie et encore plus lors de mes missions en conduite du changement. Car chaque personne a son vécu, ses craintes, ses questionnements. Il est donc important de rassurer. Par exemple, lors d’une fusion, il est classique que deux personnes se retrouvent sur le même poste. Il est souhaitable de les rassurer sur leur avenir ou de leur dire ouvertement ce qu’ils vont devenir. Les gens préfèrent souvent savoir, que d’être dans le flou.
Ne pas leur dire ce qui les concerne touche directement à leur être. C’est là qu’ils ressentent le manque de respect, de considération ou de reconnaissance. C’est là que commencent les frustrations et les résistances. Il est donc évident que la communication lors du changement doit être avant tout rassurante. Il est préférable de trop communiquer que pas assez, car les peurs se cristallisent autour du changement, les acteurs dans l’environnement se posent des questions. Il est donc important de tenir un discours apaisant et en étant le plus clair possible. Pour ce faire, il faut éviter les dérives de la communication.
Trop souvent, la communication se limite à son aspect balistique. Exemple : je l’ai dit, donc c’est compris. Une même information peut avoir plusieurs sens en fonction du vécu de la personne à qui elle est destinée. Exemple : l’information « nous allons mettre en place un système de saisie automatique des factures » peut avoir deux interprétations pour le chef comptable gérant cette activité.
- Interprétation positive : « super, bonne idée, mon service sera encore plus performant. »
- Interprétation négative : « Je crois que la direction veut me dire que je ne sers plus à rien, je vais bientôt être viré. »
Il faut donc éclaircir si possible toutes les zones d’ombres au risque de créer de la résistance.
- Les sources de résistance
Une résistance est l’expression implicite ou explicite de réactions négatives face à un changement. On parle de résistance passive (moquerie, ironie…) ou active (réaction physique). La résistance est une réaction tout à fait normale qui exprime la crainte de ne plus être comme avant. Les résistances tirent leurs sources de 4 éléments :
- Les individus : Cela s’explique par notre peur de l’inconnu ; notre recherche permanente de satisfaire nos besoins ; la peur de perdre nos points de repère.
- Le groupe : Face à l’arrivée du nouveau projet ou changement, les membres de l’équipe ont le réflexe de conservation en resserrant un peu plus les liens. Les valeurs du groupe sont rappelées haut et fort et transcendent l’individu.
- L’organisation : L’organisation du travail au sein des équipes va jouer en faveur ou à l’encontre des résistances. Des jalousies ou frustration se révèlent selon qui participe au nouveau projet.
- Le mode d’annonce du changement : Le mode d’annonce du changement va certainement influer sur le comportement individuel ou du groupe. Comment le changement a-t-il été introduit ? Est-ce qu’il y a eu des discussions ? Est-ce qu’il y a eu des explications à l’endroit des différents acteurs ? Est-ce qu’il y a eu une communication sur le changement ? Si la réponse à ces questions est “NON”, alors, préparez-vous à une résistance.
Comment gérer la résistance ?
Les résistances au changement s’expriment différentes façons dans le temps. Le passage se fait via différentes étapes qui représentent les marches de l’escalier par lesquelles le résistant doit nécessairement passer pour intégrer le changement. Il s’agit donc pour le manager d’identifier où en sont les membres de son équipe dans l’intégration du changement.
Il incombe également au Manager de définir les modalités d’accompagnement les plus adaptés pour faire gravir une marche supplémentaire. Vous pouvez nous poser toutes vos questions autour de la pratique de la conduite du changement à l’adresse : contact@formanagement-consulting.com.
* Cette rubrique vous est proposée par le cabinet ForManagement Consulting.