De la Guinée-Bissau à Washington, de la Banque mondiale à l’entrepreneuriat, Paulo Gomes a tracé un itinéraire singulier, celui d’un homme convaincu que l’Afrique peut rivaliser sur la scène mondiale à condition de produire ses propres champions économiques. Portrait.
Banquier, conseiller d’État, investisseur engagé, Paulo Gomes consacre aujourd’hui toute son énergie à connecter le continent aux grandes dynamiques de transformation mondiale. L’entrepreneur et homme d’affaires bissau-guinéen s’est imposé au fil des décennies comme l’un des cerveaux les plus influents de l’intégration économique africaine.
Ancien administrateur à la Banque mondiale, cofondateur de plusieurs plateformes d’investissement panafricaines et conseiller public expérimenté, il incarne cette génération d’Africains formés aux meilleures écoles, mais résolument tournés vers l’action sur le terrain.
Né dans une Guinée-Bissau encore marquée par le combat pour l’indépendance, Paulo Gomes est influencé dès ses débuts par la figure d’Amílcar Cabral. Il poursuit des études en économie à Sciences Po Paris et en relations internationales à l’ILERI. À la fin des années 1980, il revient servir son pays natal et intègre les ministères du Plan et de l’Économie.
Très vite, il participe à des dossiers importants : réforme économique, adhésion à la zone franc, élaboration du plan de développement “Vision 2025”. Dans ce contexte, il se forme au FMI, puis s’envole pour Harvard, où il approfondit ses connaissances en finances publiques.
À Harvard, sa rencontre avec Michael Kennedy, fils de Robert Kennedy, le lance dans une nouvelle dynamique. Il devient son assistant, collabore à des projets énergétiques en Angola et en Amérique latine. Lorsque Kennedy décède accidentellement, Paulo Gomes rentre en Afrique, où il rejoint brièvement le ministère des Finances avant qu’un conflit civil n’éclate.
Grâce à ses compétences et à ses relations avec des personnalités comme Tidjane Thiam, il est soutenu pour un poste d’administrateur adjoint à la Banque mondiale, puis devient administrateur de plein titre. Il y représentera 24 pays africains pendant huit ans.
Paulo Gomes : faire émerger des champions économiques africains
À la Banque mondiale, Paulo Gomes milite pour le retour des infrastructures dans l’agenda de développement, pour des stratégies régionales intégrées et pour une meilleure reconnaissance du secteur privé africain. Il est aussi à l’origine d’un programme de formation de cadres africains au sein de l’institution, une initiative toujours active aujourd’hui. Ses prises de position marquent les esprits. Il refuse en 2006 une proposition de nomination comme directeur général de la Banque mondiale et choisit de retourner vers le continent, convaincu que la bataille pour l’avenir de l’Afrique se joue sur le terrain économique et entrepreneurial.
C’est avec cette ambition qu’il cofonde l’Africa Finance Corporation (AFC), devenue un pilier du financement africain, puis la Chambre de commerce Afrique-Asie du Sud-Est, basée à Singapour. Il fonde aussi le cabinet Paulo Gomes & Partners, spécialisé dans l’investissement stratégique, et crée la société Orango Investment Corporation.
Toujours à la recherche de secteurs d’avenir, Paulo Gomes se tourne récemment vers l’aquaculture, avec l’entreprise Alta Mar, cofondée au Maroc avec des partenaires norvégiens. Une réponse directe à la croissance démographique africaine et aux besoins alimentaires à venir.
Avec l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo, Paulo Gomes cofonde l’initiative Afrochampions, qui milite pour la naissance de multinationales africaines capables de rivaliser au niveau global. Il participe aussi à la création de ASKY Airlines, compagnie panafricaine pensée pour relier les économies régionales, héritière de l’esprit de l’ex-Air Afrique.
Son action s’étend aux enjeux de conservation et de durabilité : membre fondateur de la Fondation Bio-Guinée et du Fonds vert pour le climat de l’ONU, Paulo Gomes défend une vision du développement où croissance et préservation vont de pair.
En 2015, Paulo Gomes tente une percée politique en se présentant à l’élection présidentielle en Guinée-Bissau. Il y crée la surprise en arrivant troisième. Ce score inattendu montre qu’une partie de la jeunesse et des acteurs économiques voient en lui une alternative crédible. Il décide ensuite de se recentrer sur ses engagements internationaux.
