Aujourd’hui, le faso dan fani peut se targuer d’avoir les meilleurs ambassadeurs dans le monde. Parmi eux, les créateurs Élie Kuame, Imane Ayissi, la marque Peulh Vagabond, ou encore Pathé Ouedraogo, dit Pathé’O, styliste ivoirien pour qui « c’est le tissu africain le plus cher et le meilleur de nos jours ».
Le Burkina Faso s’est engagé depuis quelques années à valoriser et protéger la production textile artisanale locale, et tout particulièrement le faso dan fani. Et un pas de géant a été posé dans ce sens. Les premiers pagnes faso dan fani labellisés sont désormais disponibles sur le marché.
En 2019, avec pour objectif de barrer la route aux contrefaçons, le ministère du Commerce et de l’Artisanat burkinabé poussé par des acteurs du secteur a engagé un processus de labellisation de ce pagne tissé traditionnel. Un processus qui vient d’être bouclé avec la mise sur le marché des premiers pagnes faso dan fani labellisés. C’est donc désormais possible de s’offrir un pagne faso dan fani sans avoir peur d’acheter une contrefaçon.
Pour ne plus se tromper et barrer la route aux contrefaçons, les consommateurs pourront se référer à l’étiquette, qui affiche maintenant plusieurs informations, notamment sur la qualité du tissu. Ils pourront même effectuer ces vérifications depuis leurs smartphones, à l’aide d’un QR code ou un code-barres qu’il faut flasher ou aller sur le site du portail d’entrée au Burkina, a indiqué la Maison de l’entreprise du Burkina Faso, au cœur du projet. Jusqu’ici, des pagnes imprimés en Asie coûtant moins cher que les originaux inondaient les marchés. Valoriser et protéger la filière textile artisanale locale était l’objectif principal du gouvernement alors que le secteur est pourvoyeur d’emplois et de revenus pour des millions de personnes, en majorité des femmes.
Le faso dan fani, qui signifie littéralement « pagne tissé de la patrie » en langue dioula, est symbole de la révolution sous Thomas Sankara. Ce tissu à base de fil de coton lourd, non génétiquement modifié, est un produit stratégique pour le Burkina Faso, dont le potentiel de revenus annuels est évalué à plus de 50 milliards de F CFA (un peu de 76 millions d’euros). Deux ans après avoir pris cet engagement, le pari est plus que gagné pour le pays.
Propriété intellectuelle
Pour réussir sa mission, le gouvernement a établi un catalogue de près de 400 motifs créés par les tisseuses de toutes les régions du pays. Tous ont ensuite été enregistrés auprès de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (Oapi). Désormais, l’appellation faso dan fani ainsi que les motifs sont protégés. C’est-à-dire qu’il faut obtenir un agrément en plusieurs étapes pour produire du faso dan fani labellisé et estampillé « made in Burkina ». Choix du métier à tisser, des fils utilisés, de la teinture ou encore du mécanisme de tissage peuvent faire la différence, tel est ainsi défini la liste des critères pour obtenir le graal.
Lors d’une récente interview accordée à nos confrères de RFI Harouna Kaboré, le ministre du Commerce et l’Industrie n’a pas marché ses mots : « Le faso dan fani est désormais une marque collective. Ça doit être tissé avec du fil burkinabé et dans un certain nombre de conditions, même en matière de teinture. Vous ne pouvez pas aller imprimer des pagnes comme ça et utiliser les motifs faso dan fani et venir les vendre sur le marché. C’est terminé. Si vous rentrez dans ce schéma de tricherie, nous, nous avons choisi de faire appel à la poche, c’est là que ça fait le plus mal ».
On compte à ce jour, 23 structures qui ont reçu leurs agréments d’utilisation du label. « Pour ce qui est de ce label en toute sincérité, c’est un moyen qui va nous galvaniser davantage pour une production de qualité. Parce qu’on ne donnera pas le label à qui doit l’utiliser, mais à qui le mérite. Donc de ce fait, nous interpellons l’ensemble des tisseuses du Burkina à faire rien que la qualité », a souligné Germaine Compaoré-Bonkoungou, secrétaire générale de la Fédération nationale des tisseuses du Burkina Faso.
Il faut noter cependant que la labellisation du tissu entraîne déjà une augmentation des prix de vente. En temps normal un pagne tissé coûte entre 6 000 et 10 000 francs CFA, avec ce nouveau processus, il faudra en moyenne ajouter 800 F CFA de plus selon Louise Anne Go, la ministre déléguée, chargée de l’artisanat.
Le faso dan fani, symbole du patriotisme burkinabé
C’est lors de l’accession au pouvoir de Thomas Sankara, qui rebaptise le pays Burkina Faso (« pays des hommes intègres »), en 1983, que la faso dan fani deviendra un symbole de sa révolution et de l’identité nationale. Porté par les idées communistes et anticolonialistes, il aimait à répéter que « porter le faso dan fani est un acte économique, culturel et politique de défi à l’impérialisme ». Soucieux de mettre en avant ces tissus locaux et de développer les productions nationales, il finit par rendre obligatoire le port du faso dan fani par les fonctionnaires.
Abandonné par la population pendant quelques décennies, surtout au moment de l’ouverture de l’économie, le faso dan fani est revenu en force depuis la prise du pouvoir du président Roch Marc Christian Kaboré, élu fin 2015. Il a remis au goût du jour le port du faso dan fani, lui-même en portant à chacune de ses apparitions le fameux tissu. Le pagne a même trouvé son jour de célébration, le « 8 mars ». Chaque année, un nouveau modèle est créé en l’honneur de la Journée mondiale de la femme.