Le très discret Emerse Faé a offert à la Côte d’Ivoire la troisième CAN de son histoire. Le technicien ivoirien, nommé par intérim le 24 janvier 2024 après la déroute des Éléphants face à la Guinée Équatoriale, a su remobiliser son équipe, pour aboutir à une victoire assez mémorable lors de la finale de la CAN 2023 contre le Nigeria (2-1), le dimanche 11 février 2024.
Lorsqu’il a été nommé entraîneur par intérim le 24 janvier 2024, jour de son 40e anniversaire, Emerse Faé était confronté à un défi de taille. Son prédécesseur, Jean-Louis Gasset, avait quitté son poste après la défaite humiliante contre la Guinée équatoriale (0-4), en laissant l’équipe au bord de l’élimination. Les temps étaient sombres pour les supporters ivoiriens, avant la qualification miraculeuse pour les huitièmes de finale offerte par le Maroc, qui avait ému toute une nation. « On est passé proche d’un cauchemar », avait déclaré l’attaquant Sébastien Haller.
Le dimanche 11 février 2024, Emerse Faé et son équipe ont offert une victoire qui restera longtemps gravée dans les mémoires au peuple ivoirien en battant le Nigeria au stade Alassane-Ouattara d’Ebimpé, au nord d’Abidjan. Cette troisième étoile, impensable après la déroute contre la Guinée Équatoriale, a été accueillie avec émotion. « Je suis très ému, c’est comme un rêve », a confié le sélectionneur ivoirien après le sacre de son équipe, lui dont l’intérim pourrait logiquement se prolonger.
La Fédération Ivoirienne de Football devrait d’ailleurs bientôt prendre une décision quant au maintien d’Emerse Faé à la tête des Éléphants en tant qu’entraîneur lors du prochain match amical contre l’Argentine en mars, ainsi que pour les deux confrontations qualificatives pour la Coupe du Monde 2026 contre le Gabon à domicile et au Kenya en juin. Georges Kouadio, ancien sélectionneur, argumente en faveur du maintien de Faé : « Je ne vois pas comment on pourrait lui demander de partir après ce qu’il a réalisé en si peu de temps. Il n’y a aucune raison d’aller chercher ailleurs ce que nous avons sous la main ».
Emerse Faé de son côté est favorable pour poursuivre l’aventure. « J’ai envie de continuer ma mission, rien d’autre. Nous allons prendre le temps de régler quelques détails contractuels et sportifs. Je souhaite continuer à travailler avec le même staff technique, dont Guy Demel, qui nous a rejoints le 24 janvier, et avec qui j’ai une grande proximité depuis les années où nous avons évolué ensemble en sélection. Le président Diallo y est tout à fait favorable », a-t-il déclaré au Monde.
Emerse Faé : le « conte de fée »
Né à Nantes, formé au FC Nantes, Emerse Faé a embrassé sa passion pour le football dès son plus jeune âge. Pendant quatre saisons, il a porté avec fierté les couleurs des Canaris, devenant une figure emblématique du club. Son talent l’a conduit jusqu’en Angleterre, à Reading, avant de revenir en France, à l’OGC Nice. Après une carrière internationale plutôt réussie, il va faire ses valises pour contribuer au football ivoirien. Passé carrément dans l’ombre depuis quelques années, Emerse Faé fait la “une” de tous les journaux depuis quelques semaines après la victoire des Éléphants de Côte d’Ivoire à la CAN 2023.
Emerse Faé incarne l’essence même du parcours du héros. Champion du monde des moins de 17 ans avec l’équipe de France en 2001, il a choisi de représenter la Côte d’Ivoire, son pays d’origine avec qui il a disputé la finale de la CAN 2006 en Égypte. La Côte d’Ivoire avait perdu contre les Pharaons (0-0, 2-4 aux tirs aux buts). Avec quarante-quatre sélections à son actif, Emerse Faé a écrit son nom dans l’histoire du football ivoirien avant de mettre un terme prématuré à sa carrière de joueur en 2012, confronté à des phlébites récurrentes. C’était un coup dur, mais il a su rebondir avec courage et détermination.
Emerse Faé n’a pas quitté le monde du football après avoir raccroché les crampons. Il est passé de l’autre côté du terrain, en devenant entraîneur. Titulaire du Diplôme d’État Supérieur mention Football (DES), il a décroché en 2020 son BEFF (Brevet d’Entraîneur Formateur de Football). De Nice à Clermont-Ferrand, Emerse a partagé son expertise et sa passion avec des jeunes footballeurs passionnés. « C’est un bosseur et un rigoureux… », avait même dit de lui le journaliste ivoirien Malik Traoré (NCI) lors d’une interview. « On l’avait suivi quand il était à Nice en tant que coach des moins de 19 ans. Sa philosophie de jeu correspondait à celle du club et nous lui avons proposé de devenir entraîneur de notre équipe B [National 3] », se remémore Jérôme Champagne, ancien dirigeant de Clermont Foot (Ligue 1) dans une interview accordée à nos confrères de Jeune Afrique.
C’est en juin 2022 que la fédération ivoirienne propose à Emerse Faé d’intégrer le staff technique de Gasset. Malgré le contrat qui le liait à Clermont, l’actuel patron de la sélection ivoirienne n’a pas hésité à faire ses valises pour Abidjan. « Émerse voulait honorer son contrat à Clermont, mais il était également très intéressé par le projet ivoirien. Pour nous, il était logique de lui laisser cette possibilité, et nous l’avons libéré », a confié l’ancien dirigeant de Clermont Foot, Jérôme Champagne.
Le visage du troisième sacre des Éléphants
Lorsqu’il endosse le rôle de sélectionneur par intérim après la démission de Gasset, il prend également sur ses épaules le poids des attentes et des espoirs de tout un peuple. « Il n’y avait pas trop de questions à se poser. L’équipe me connaissait, je suis membre du staff depuis juin 2022… En quatre jours, on a surtout travaillé tactiquement », confie Emerse Faé qui a varié les systèmes de jeu et effectué des rotations au sein de son effectif en tenant compte des formes physiques individuelles, des suspensions et de ses choix tactiques. Son atout majeur a été le retour de Sébastien Haller, blessé au premier tour, mais décisif lors de la demi-finale contre la RDC et la finale face au Nigeria.
À chaque instant, Emerse Faé a incarné l’esprit de l’équipe et a motivé ses joueurs à donner le meilleur d’eux-mêmes sur le terrain. « Ça a payé : on a éliminé le Sénégal, archifavori, (1-1, 5-4 aux t.a.b.) après avoir été rapidement menés au score, puis on a battu le Mali (2-1 après prolongation) alors qu’on était réduits à dix et menés à la 73e minute… Il n’y a qu’en demi-finale face à la République démocratique du Congo (1-0) et en finale qu’on a gagné avec une certaine maîtrise. Sportivement parlant, ce n’est pas si incompréhensible : la Côte d’Ivoire fait partie des meilleures sélections africaines et elle jouait à domicile », a-t-il expliqué. Pour le sélectionneur, cette victoire n’était pas seulement un accomplissement personnel, mais le fruit d’un travail acharné, de sacrifices et de détermination.
Emerse Faé a acquis une renommée bien au-delà d’un simple nom dans l’histoire du football ivoirien. Il représente désormais un symbole de courage, de résilience et de réussite. Il a été confirmé entraîneur titulaire par le président de la Fédération Ivoirienne de Football (FIF) Idriss Diallo, lundi 19 février 2024, au village Can Orange lors d’une présentation officielle du trophée de la Coupe d’Afrique des Nations de Football dans la commune de Cocody. « Emerse était jusqu’à présent entraîneur par intérim. Il vient d’être confirmé ce jour entraîneur titulaire », a déclaré Yacine Idriss Diallo.