Dans le dernier numéro, nous avons discuté de la préparation aux changements endogènes et exogènes au sein de vos entreprises. Pour ce début d’année 2024, notre rubrique “Revue du Manager” abordera le thème de “La conduite du changement”.
Avant de rentrer dans la partie technique et de vous montrer comment conduire le changement, il est important de faire un passage dans l’histoire pour mieux comprendre le concept. La conduite du changement est une technique de gestion apparue dans les années 90, avec les grands projets informatiques. Pour la réussite des nouveaux projets informations, les chefs de projets s’étaient intéressés aux actions de communication et de formation qui ont été regroupées sous l’appellation “conduite du changement”.
Est-ce suffisant de limiter la conduite du changement à la “Formation” et à la “Communication” ? Compte tenu de nos réalités au 21e siècle, il serait hâtif de limiter la conduite du changement à la formation et à la communication.
Ce serait une erreur de croire qu’il suffit de réunir les gens dans une salle, les former et communiquer autour du projet technique pour que les acteurs concernés adhèrent au changement. La conduite du changement de nos jours est selon moi « la mise en place de moyens, en termes de communication, de formation, de gestion de résistances, de coaching, de suivi, etc. afin d’obtenir le maximum d’adhésion des acteurs et d’assurer la réussite d’un projet ».
La conduite du changement demande donc la prise en compte de la dimension sociale et de la complexité de l’être humain. Comme le disait Friedberg le sociologue, le changement est un phénomène avant tout social et complexe qui provoque des réactions imprévues. En conduite du changement, le Manager doit faire tout ce qui est en son pouvoir (bien sûr de manière légale et éthique) pour susciter l’adhésion autour du projet de changement. Encore une fois, c’est au niveau de la dimension sociale que l’adhésion se gagne et non par un alignement de principes techniques. En conduite du changement, les maitres mots sont : “Rassurer” ; ”Écouter activement” ; “Motiver “ ; “Comprendre “ ; “Expliquer”…
Pourquoi la conduite du changement ?
« Les hommes et les femmes sont le capital le plus précieux de l’entreprise », B. Grouard et F. Meston dans leur ouvrage “L’entreprise en mouvement”. Trois raisons expliquent pourquoi il faut mettre en place une conduite du changement dès lors qu’il y a (permettez la redondance) un changement dans un environnement.
Premièrement, il est important de signifier que nous gérons des hommes et des femmes et non des machines. L’être humain est la “machine” la plus complexe qui soit. Lors d’un changement, les peurs se font sentir, des questionnements ressortent. Il faut répondre à ces craintes et à ces questionnements de manière rassurante pour espérer gagner l’adhésion dans l’environnement du changement. Le contraire serait une erreur. Lors d’un changement, ne se focaliser que sur les aspects techniques du projet en termes de QDC (Qualité, Délai, Coûts) ne suffit pas pour atteindre la réussite de votre projet. Il faut donc mener une conduite du changement.
Deuxièmement, il y a l’impact de ce que j’ai nommé “la vallée du désespoir”. Je définis la vallée du désespoir comme la perte de productivité liée à l’introduction d’un changement dans un environnement. Cette vallée du désespoir est un gouffre financier pour les entreprises. Prenons le cas d’un comptable qui saisit 10 factures par jour sur un ancien logiciel de gestion et à qui on a promis de 10 à 50 factures par jour sur un nouveau logiciel de gestion.
Qu’est-ce qui pourrait se passer ? Supposons qu’on lui installe ce nouveau logiciel. Il va commencer par les saisir, 10, ensuite, il va passer à 8, à 6, pour finir peut-être à 4. On lui a promis de passer de 10 factures à 50 saisies, mais là, il est passé de 10 à 4 ce qui est un problème. Selon notre définition précédente, on ne peut pas parler ici de changement, car le collaborateur est passé de A(10) à B(4) avec B inférieur à A.
Au bout d’un certain temps, ce comptable ira puiser dans sa connaissance personnelle et fera un parallèle avec toute l’acquisition qu’il a eue sur l’ancien logiciel. Certes, il tâtonnera, mais, au fur et à mesure, il se rendra compte que les paramètres du nouveau logiciel ne sont pas si loin de ceux de l’ancien logiciel de gestion. Par un auto-apprentissage, il commencera éventuellement à remonter la pante petit à petit et passera de 4 factures qu’il saisissait à 6 par jour, puis à 8 et enfin arrivera à 10. La question que l’on pourrait se poser à ce niveau est : “Y a-t-il eu un changement ?” Non ! Car il est passé de 10 factures avant l’implémentation du nouveau logiciel pour arriver au même chiffre après, sans compter tous les déboires qu’il a eus. Il n’y a donc pas eu ici de changement. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas eu d’accompagnement !
Maintenant, supposons que, lors de sa mise en place, ce comptable a été formé sur le nouveau logiciel ; on lui explique pourquoi il fallait mettre en place le nouveau logiciel. Il a été rassuré sur le fait que, quand bien même ce logiciel lui permettrait d’augmenter sa productivité, il n’y a absolument pas de crainte à avoir peur pour son poste et que ce nouveau logiciel lui permettrait de faire plus d’analyses et donc gagner en temps. Si l’entreprise ou son Manager procédaient de la manière que je viens de décrire, il y aurait certainement un résultat positif.
De toute façon, il rentrerait quand même dans une vallée du désespoir parce qu’il y aurait malgré tout une perte de productivité, liée à un changement introduit dans un nouvel environnement. Mais le fait qu’il aura été accompagné conduirait certainement à un résultat positif. Avec un accompagnement en termes de formation, de communication, le collaborateur serait rassuré d’une manière ou d’une autre, et sortirait probablement rapidement de la vallée du désespoir pour arriver aux 50 factures qui étaient prévues avec le nouveau logiciel. À ce stade, on dirait qu’il y a eu un véritable changement, car nous sommes passés de A à B avec B supérieur à A.
Nous voyons dans cet exemple l’importance de la mise en place de la conduite du changement dès l’introduction du changement dans un environnement parce que cette vallée du désespoir a un coût pour les entreprises, c’est une réelle perte de productivité.
En tant que chefs d’entreprise, cette capacité à conduire le changement est essentielle pour assurer le dynamisme et la compétitivité de vos entreprises. Dans le prochain numéro, nous aborderons “la pratique de la conduite du changement”. Vous pouvez nous poser toutes vos questions à l’adresse : contact@formanagement-consulting.com.
* Cette rubrique vous est proposée par le cabinet ForManagement Consulting.
J’aime vraiment cette rubrique. Merci pour ces ressources de qualité.