Avant l’introduction dans les mœurs africaines de la lingerie, des garnitures occidentales, les femmes du continent, en particulier les femmes togolaises avaient déjà saisi la nécessité de protéger leur intimité, réceptacle de la vie avec le « Godé dzin », le cache-sexe rouge.
Passé dans l’entrejambe et retenu de part et d’autres par des perles(1), les femmes togolaises ont trouvé dans le « Godé dzin », cache-sexe rouge une technique imparable de protection naturelle et de recueillement du sang des menstruations. Incontournable parure pour la digne femme togolaise, ce bout de tissu sacré, plus qu’une question de pudeur, rempli plusieurs fonctions et confère à la femme la sacralité de sa féminité.
Le « Godé dzin » et sa valeur sacrée
Le « Godé dzin » soit le cache-sexe rouge(2) est un morceau de tissu de couleur rouge avec des motifs à rayures noires ou marqué de dessins blancs que la femme togolaise digne de ce nom doit avoir obligatoirement dans son trousseau. De son enfance jusqu’à son décès, elle ne s’en séparera jamais. Et même lors de son inhumation, on le lui portera impérativement avant de l’enterrer.
Plus qu’un simple tissu qui protège l’intimité de la femme, le cache-sexe rouge possède un caractère sacré lié à la sacralité même de l’appareil reproducteur féminin (représentation de la terre-mère qui donne la vie) et du sang des menstrues. Ce tandem (vulve-sang menstruel) au contact du bout de tissu met en branle une force créatrice qui peut être orientée vers le bien ou le mal selon les paroles prononcées par la détentrice du « Godé dzin » . En effet, il appelle à toute la symbolique du pouvoir de la femme qui donne la vie et qui peut la retirer en maudissant.
En période normale comme en période menstruelle, ce tissu ne quitte pas l’entrejambe de la femme togolaise. Il est un élément important et incontournable dans la liste de la dot dans certaines aires culturelles du Sud-Togo notamment. Imposé aux parents du jeune garçon qui désire prendre une fille pour femme, il doit figurer dans le trousseau de la fiancée auquel cas, la dot n’est pas acceptée.
Les usages du cache-sexe sacré
Le cache-sexe rouge a plusieurs fonctions : esthétique, thérapeutique, conjuratoire, protectrice et sexuelle
. Fonction esthétique et de séduction
Toute la beauté, l’honorabilité et la féminité de la femme s’exprime au travers du port de ce tissu sacré. L’homme qui est éduqué à la valeur de cette parure sacrée, ne peut ne pas succomber au charme de son épouse lorsque ses yeux se posent sur elle dans cette tenue de vérité. Le « Godé dzin » est dix mille fois plus esthétique et valorisant que toutes les lingeries fines réunies. C’est également un puissant arsenal de séduction.
. Fonction thérapeutique
Le cache-sexe rouge intervient en tant que recours thérapeutique dans le cas des syncopes, de maladies et d’envoûtement. Dans le cas d’une syncope ou de manifestation de signes d’envoûtement soudain, la victime peut être ramenée à la vie ou désenvoutée, dès lors que le cache-sexe rouge est retiré et étalé sur sa personne ou un bout attaché à son poignet. En effet, beaucoup de témoins ont rapporté des cas d’enfants qui ont perdu connaissance avec menace de mort, sous l’effet d’une attaque spirituelle au marché. Ces derniers ont été instantanément rendus à la vie au contact du tissu sacré avec leur peau.
En outre, en situation d’urgence médicale ou de danger de mort au milieu de la nuit avec l’impossibilité d’évacuer le souffrant automatiquement, on lui attache un bout du tissu sacré au poignet. Même si la situation est critique, ce dernier sera gardé tel jusqu’au matin avant d’être conduite dans un centre de soins.
. Fonction conjuratoire
Une personne tourmentée par l’esprit des eaux ou mari/femme de nuit et qui a des couches de nuit, obtiendra sa délivrance en déposant son cache-sexe rouge (ou celui d’une tierce personne) sous son oreiller ou sous son drap ; le démon s’en ira loin d’elle.
. Fonction protectrice
Le port du tissu sacré est absolument recommandé à une veuve en association avec des plantes en vue de la protéger des couches de nuit provoquées par l’esprit du défunt mari. Selon la tradition africaine, l’âme du défunt est errante les jours suivants le décès. Il n’a pas encore conscience de sa séparation avec ce monde. Il tentera, donc, de suivre son épouse, partout, de manger avec elle, de prendre le bain ensemble avec elle et même à s’unir intimement à elle. Cet acte s’il survenait provoque une grossesse spirituelle que la femme traîne jusqu’à son décès. Afin de se prémunir contre cette éventualité, elle portera son tissu sacré pendant la période exigée pour son veuvage.
En tant que recours de protection, en cas d’agression ou en danger de mort, ce bout de tissu devient un instrument de défense redoutable. Si la victime réussit à retirer son cache-sexe de son entrejambe et frapper au visage son agresseur, elle affaiblit ce dernier et ne pourra plus rien contre elle. Cet acte signe une grande malédiction dans la vie de ce dernier ; elle ne rate pas.
Par ailleurs, l’Afrique des fières savanes ancestrales est une terre hautement spirituelle. Certains esprits de nature inférieure pour posséder un corps féminin ne peuvent entrer que par l’orifice vaginal. Il suffit pour cela d’enjamber en toute conscience ou non une libation versée au sol, une flaque d’eau souillée, un sacrifice répandu au carrefour d’un chemin pour devenir l’hôte de tels esprits. Dans ce cas d’espèce, une femme qui se limite à des caleçons conventionnels est très exposée ; contrairement à celle qui porte son cache-sexe rouge sacré. Aucun envoutement, aucun charme, aucune possession ne pourra prospérer contre elle.
Il est encore raconté que la matrice féminine est telle une fontaine ou une rivière. D’elle coule la vie et elle est en même temps le réceptacle de la vie. L’orifice ou le chemin donnant accès au cœur du foyer qui est vie et qui donne vie doit être précieusement gardé. Rien de souillé ou d’indésirable ne doit y pénétrer, car ce temple est saint. La femme qui ne se protège pas ou le fait mal, surtout la nouvelle parturiente risque de laisser entrer des courants d’air dans son corps – au travers de l’orifice sacré. Cette négligence entrainera des maladies et pets vaginaux désagréables pour cette dernière, son époux et son entourage. C’est le signe d’une femme immature, non respectable et qui ne sait pas prendre soin d’elle. Il s’agit d’un sujet d’opprobre !
. Fonction sexuelle
« Garçon reste, là où ça serre » : Cette boutade traduit non seulement la place primordiale qu’occupe la sexualité dans l’harmonie du couple, mais elle indique surtout que la fermeté et la fraîcheur de l’intérieur de la femme sont importantes pour des expériences sexuelles épanouissantes en couple.
Le beurre de karité, les décoctions de feuilles de manguiers, le dzeka, le gongoli, les clous de girofle, etc. sont autant de classique des petits secrets pour tenir son intérieur chaud et accueillant pour son époux, mais aucun de ces secrets de femme ne surpasse l’usage du « Godé dzin ».
Le cache-sexe rouge, précieux héritage du patrimoine culturel de la femme togolaise – comme bien d’autres valeurs culturelles – est, aujourd’hui, délaissé par une population féminine résolument tournée vers la modernité. Pourtant, ce tissu n’a rien de diabolique et aucune garniture peu importe sa qualité ne peut égaler les bienfaits qu’il procure à qui l’ose.
Chères lectrices, jeunes filles et femmes mariées, vous êtes encouragées à vous réapproprier ce bout de tissu sacré et à jouir des avantages qu’il offre. Soyez en sûr, vous oublierez les garnitures peu saines qui foisonnent sur le marché et mettent en péril votre santé de reproduction. N’hésitez pas à partager en commentaires d’autres fonctions du « Godé dzin » que nous aurions omis. À celles qui l’ont adopté, vos témoignages sont, également, attendus afin de démystifier le cache-sexe rouge.
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(1) Il est tout à fait possible de placer son cache-sexe comme une garniture moderne quitte à le retenir avec un caleçon ferme.
(2) Traditionnellement, le cache-sexe féminin togolais a toujours été produite avec un tissu rouge. Néanmoins, sur la demande des chrétiennes qui rechignent à porter cette couleur incompatible aux valeurs de leur foi, le « Godé dzin » a été réinventé et est disponible en couleur jaune auprès des vendeuses de pagnes d’AgbadaxOnou.
(3) Il existe une différence entre le « Godé dzin » et le « Nyangan dzin ». Le premier est uniquement destiné pour un usage intime et le second (en tissu rouge uni sans motif) est utilisé pour les rituels traditionnels.