Debora Kayembe rectrice de l’université d’Édimbourg – La Congolaise Debora Kayembe a été choisie comme rectrice de l’université d’Édimbourg. Elle prend ainsi la tête de l’une des plus prestigieuses universités du Royaume-Uni.
Âgée de 45 ans, née à Kinshasa et installée en Écosse, Debora Kayembe est désormais à la tête de l’une des plus prestigieuses universités du Royaume-Uni. Plus de 16 ans après avoir quitté la République démocratique du Congo, l’avocate spécialiste des droits de l’homme s’apprête à devenir rectrice de la prestigieuse université d’Édimbourg.
Debora Kayembe a été élue début février pour trois ans et prendra ses fonctions le 1er mars prochain. C’est la première fois, depuis la fondation de l’institution au XVIe siècle, qu’une personnalité noire, issue de l’immigration (et la troisième fois une femme) va occuper ce poste.
Un parcours de combattant
Il y a 16 ans, recherchée par un groupe armé, Debora Kayembe fuit sa terre natale in extremis pour le Royaume-Uni et parvient même à contribuer à démasquer ses poursuivants. En effet, après des études de droit à l’université libre de Kinshasa, Debora Kayembe très sensible aux affres de l’inégalité qui frappe son pays s’engage et devient militante des droits de l’homme entre ses stages aux Nations unies et son barreau qu’elle effectue à Matadi, dans la province du Bas-Congo.
Au bout de ce premier cursus, elle s’oriente vers le droit international. Mais très vite, elle est remarquée pour son activisme. Dans la foulée, la corruption sévit en RDC et elle plonge dans les dossiers liés à la lutte contre la corruption. Recherchée par un groupe armé, elle fuit son pays in extremis pour le Royaume-Uni en 2005 et parvient même à contribuer à démasquer ses poursuivants. Elle demande alors l’asile au Royaume-Uni, fonde une famille et finit par s’installer en Écosse, à Édimbourg, où la militante politique s’est spécialisée dans les dossiers de droits humains.
Debora Kayembe rectrice de l’université d’Édimbourg, une nomination inattendue
Malgré son parcours, Debora Kayembe estime que rien ne l’avait préparée à se voir proposer de prendre la tête de l’université d’Édimbourg. En novembre dernier, elle avait été approchée pour savoir si elle envisagerait d’accepter le poste, jamais occupé par une personne noire. Elle a accepté, tout en pensant que ses chances étaient minces. Sa nomination l’a laissée sans voix. « C’est quelque chose que je n’avais jamais imaginé. C’est quelque chose que je n’ai jamais cherché, c’est arrivé sur un plateau », a-t-elle confié à l’AFP.
Ce qui a joué en sa faveur
Plusieurs mois avant sa nomination, Debora Kayembe s’était retrouvée mêlée à un conflit qu’elle avait d’abord voulu éviter. En juin 2020, en pleine mobilisation mondiale contre le racisme après la mort de George Floyd, (Américain noir mort lors de son arrestation par la police aux États-Unis), Debora Kayembe se rendait en voiture à un rendez-vous professionnel quand sa voiture a violemment quitté la route. En inspectant le véhicule, elle s’est rendu compte que des clous avaient été mis sur les quatre pneus de sa voiture. « Les fois précédentes, je pouvais dormir tranquille. Parfois, il faut faire le dos rond et laisser passer les choses, mais ce qui m’est arrivé ce jour-là est inacceptable », explique-t-elle.
En racontant ce qui s’était passé sur les réseaux sociaux, elle a choisi, au lieu de chercher la confrontation, d’adopter un message de tolérance et de dialogue avec ses agresseurs. « Je leur ai dit : écoutez, ces choses font partie du passé. On a dépassé ça, si vous ne comprenez toujours pas, il va falloir que l’on dialogue. C’était ça, mon message. Rien d’autre », raconte Debora Kayembe à l’AFP. Peu de temps après, sa fille est revenue de l’école en larmes, une enseignante lui avait demandé de faire une danse d’esclave devant ses camarades de classe. Après des explications avec l’école, elle a lancé une pétition pour que le Parlement écossais s’attaque d’urgence au racisme dans le système éducatif. Le Parlement a accepté et la question sera débattue dans les mois qui viennent.
C’est justement le message de dialogue et de tolérance qui a attiré l’attention de l’université d’Édimbourg, qui compte parmi ses anciens étudiants Premiers ministres, Prix Nobel et athlètes olympiques. « Ils m’ont dit qu’en tant que rectrice de l’université, mon message ira loin et que le monde entier écoutera », rapporte-t-elle. « C’est pour ça que nous voudrions que vous preniez le poste », ont-ils ajouté.