Élégant, discret et très ponctuel malgré un emploi du temps chargé, Steve Bodjona est juriste de formation, diplomate et écrivain de carrière. Né à Aneho en 1982, il fait ses études de droit à Lomé, sanctionnées par une maitrise en droit public en 2005 et entame une carrière de diplomate en 2008, après deux années de formation à l’École Nationale d’Administration.
En 2010, il devient le premier diplomate togolais en poste au Japon. Steve Bodjona est depuis toujours un entiché de belles-lettres. Son premier texte, « Relever le défi du droit » est publié en 2013. Imprégné d’aspirations panafricanismes, chacune de ses publications dénonce un mal qui existe dans nos contrées. Il aborde des thèmes tels que la démocratie, la liberté, la perte de soi, la perte des idéaux humains, etc.
Aujourd’hui, sa production littéraire est importante : l’écrivain togolais est l’auteur de 25 ouvrages dont deux recueils collectifs et 3 ouvrages en japonais. Ses publications sont marquées par la diversité, l’innovation dans les figures de styles… une écriture plus symbolique et plus actuelle. Steve Bodjona est indiscutablement un grand écrivain d’expression française et de classe mondiale. Il célèbre cette année ses 10 ans de plumes.
Dans cette interview que nous vous invitons à lire, le président-fondateur du Club Le Littéraire Togo revient sur ses débuts et partage avec nous ses projets à venir.
M. Steve, pour nos lecteurs qui vous découvrent pour la première fois, que doivent-ils retenir ? Qui est Steve Bodjona ?
Steve Bodjona : Vous avez choisi de commencer par le plus difficile. Disons que Steve est un passionné de diplomatie et de belles lettres. J’ai toujours du mal à faire une présentation plus détaillée de ma personne.
Passionné de diplomatie et de belles lettres. Je pense que cela est déjà suffisant. Au-delà des informations qu’on peut lire de part et d’autre, nous aimerions que vous partagiez avec nous votre parcours, celui qui vous vaut cette renommée qui vous précède aujourd’hui.
Steve Bodjona : Décidément, vous ne me lâchez pas. Rires… Faut-il parler de renommée ? Je ne pense pas. Je me contente juste de faire ce qui me passionne et de partager autour de moi tout le bonheur que me procure chaque initiative que je prends. Mon parcours, il est assez simple. Juriste de formation, diplomate de profession et serviteur de la littérature par passion, je pense que c’est la rime, tels les vers d’un poème qui résume le mieux mon parcours en sachant que j’ai obtenu ma maîtrise en droit public en 2005, que j’ai entamé ma carrière de diplomate en 2008 après deux années de formation à l’École Nationale d’Administration et que j’ai publié mon premier ouvrage « Relever le défi du droit » en 2013. Vous noterez donc qu’en cette année 2023, je célèbre mes dix années de plumes et compte au total 25 ouvrages publiés dont deux recueils collectifs et 3 ouvrages en japonais.
Impressionnant ! Vous venez de le dire, vous êtes diplomate, une casquette que vous portez depuis 2010, après avoir ouvert l’Ambassade du Togo au Japon faisant de vous le premier diplomate togolais au Japon. Racontez-nous cette étape de votre vie. Quels sont les souvenirs que vous gardez de cette expérience ?
Steve Bodjona : 2010 fut une année de défis. Apprendre la langue japonaise et ensuite ouvrir et diriger l’Ambassade du Togo au pays du Soleil levant reste une expérience unique dans ma carrière. Le souvenir le plus marquant reste sans aucun doute la visite officielle du Président de la République dans le pays, seulement huit mois après mon arrivée et trois mois après le grand séisme suivi du tsunami qui avait endeuillé le peuple japonais le 11 mars 2011. Ce fut une période de première : ma première mission en Ambassade, ma première expérience d’ouverture d’une mission diplomatique, ma première expérience de Chef de mission, ma première fois d’organiser une visite officielle et d’accueillir le Chef de l’Etat, ma première fois de vivre la triste expérience d’un séisme et d’un tsunami.
Comment avez-vous pu gérer toutes ces premières ? Quel a été le secret absolu qui vous a permis de mener à bien toutes ces missions ?
Steve Bodjona : La détermination et l’amour pour le travail bien fait. Je pense que c’est la conjonction des deux qui a surtout été déterminant. Il faut beaucoup d’abnégation pour pouvoir se surpasser face à certaines situations et dans le même temps, il faut une certaine dose d’humilité pour savoir aller vers ceux qui ont déjà parcouru le sentier que l’on emprunte pour pouvoir apprendre de ces derniers afin de faire comme eux ou de prétendre faire mieux. C’est en résumé la philosophie qui guide mes pas et c’est elle qui à l’époque a été la lumière qui éclairait chacune de ces premières.
Intéressons-nous de plus près à Steve Bodjona l’écrivain. Quel est le lien entre l’homme diplomate et l’écrivain ?
Steve Bodjona : Le lien se résume en un seul mot : « Passion ».
Passion, c’est justement ce qui vous a porté pendant 10 belles années et vous a permis de mettre votre savoir et savoir-faire au service de la littérature. Permettez-moi de faire un saut de 10 ans en arrière pour revenir à la genèse de cette passionnante aventure. Comment êtesvous devenu écrivain ?
Steve Bodjona : Il faudra alors aller au-delà des 10 ans et essayer de remonter le temps pour se retrouver, il y a près de trois décennies, au Collège Notre Dame de la Paix de Sotouboua, alors que j’étais encore en classe de 4e. C’est en ce moment-là qu’est née ma passion pour l’écriture. Grâce surtout à l’accompagnement et aux conseils de mon enseignant d’art plastique, Monsieur Claude N’talé, j’ai véritablement commencé par m’intéresser à la poésie et à en écrire des vers.
En classe de seconde je me suis essayé au roman et ai produit mon tout premier manuscrit que je conserve précieusement dans mon tiroir. Il a donc fallu attendre 2013 pour que sonne le déclic, au détour d’une conversation avec Gina de Fanti, ma complice en écriture qui, la même année, préparait la publication de son premier roman intitulé «Rose est la couronne d’épine ».
Vous souvenez-vous de la première phrase que vous avez écrite et du moment où vous avez eu envie de devenir écrivain ?
Steve Bodjona : De la première phrase ? Non ! Absolument pas. Cela remonte à ma classe de seconde, alors que le rêve « fou » de devenir écrivain était devenu une réelle obsession et que j’avais commencé par écrire les premières lignes de ce manuscrit qui, comme du bon vin, prend le temps de vieillir dans ma cave à livres.
Qu’avez-vous éprouvé à l’époque avant la publication de votre premier ouvrage ? Crainte, réjouissance ?
Steve Bodjona : Lorsque l’on a passé plus d’une dizaine d’années à rêver et qu’ensuite le rêve devient réalité, l’on ne peut que se réjouir. Mais j’avoue qu’il s’était agi d’une joie mêlée à une certaine appréhension, car en matière de publication d’un ouvrage, une chose est de finaliser le processus d’édition et de proposer son chef-d’œuvre au public, une autre chose est que ce dernier apprécie le plat qui lui est proposé et accepte de le consommer.
Comment écrivez-vous ? J’entends par là cette évolution à partir de l’éclosion du sujet, jusqu’à sa mise en écriture.
Steve Bodjona : Cela part toujours d’un déclic suscité par un constat, une réflexion ou encore la lecture d’un autre ouvrage. Ensuite, pendant un bref laps de temps qui peut varier de quelques jours à plusieurs semaines selon les cas, l’idée germe et se construit dans mon esprit jusqu’à ce que la mayonnaise ne prenne et qu’un récit plus ou moins cohérent se décide dans un coin de ma tête, après qu’à travers des recherches préalables, je sois convaincu d’avoir les ingrédients nécessaires pour cuisiner un bon plat. À partir de ce moment, j’entame la phase d’écriture.

L’écriture de mes manuscrits est toujours progressive en ce sens que, la plupart du temps, je n’anticipe pas. Je ne détermine la fin de mon manuscrit que lorsque j’entame l’avant-dernier ou le dernier chapitre de mon projet. Seule la ligne directrice initialement définie me permet d’avancer du début jusqu’à la fin.
À chacune de vos différentes publications, vous dénoncez un mal qui existe dans nos contrées. Croyez-vous que la littérature puisse y apporter une réponse ou du moins, une solution adéquate ?
Steve Bodjona : Croire ? Non. J’en suis convaincu et c’est là le rôle premier de la littérature. Si nos ouvrages ne peuvent apporter de réponse ou de solution adéquate aux maux qui minent nos sociétés alors écrire serait une vaine entreprise
Vous avez publié une vingtaine d’œuvres littéraires. Quelles sont celles qui vous ont le plus marqué et connu plus de succès auprès des lecteurs ?
Steve Bodjona : Tous mes ouvrages me marquent d’une manière ou d’une autre, car elles ont toutes leur particularité. « Relever le défi du droit » a été mon tout premier ouvrage publié, « De cœurs en cœur », mon premier recueil de poèmes. Mon roman « Des larmes au crépuscule » est inscrit au programme de français en classe de 4ème au Togo tandis que « le cahier à Zénia » est le roman dans lequel j’ « écris » le plus mon pays. Je me limiterai à ces quelques exemples au risque de faire le choix.
À vous écouter, on peut ressentir toute cette passion qui vous porte dans cet univers qui n’est pas moins passionnant que celui de la diplomatie. Je pense également à votre ouvrage « Erreur fatale », un chef-d’œuvre que j’ai fort apprécié. Alors à quoi attribuez-vous le succès de ces ouvrages ?
Steve Bodjona : Aux lecteurs. Le mérite leur revient. Comme vous l’avez dit plus haut, mes fictions sont intimement liées aux réalités sous nos cieux.
Aujourd’hui, 10 ans après avoir mis dans les librairies votre tout premier ouvrage, quel bilan faites-vous ?
Steve Bodjona : Un total de 10 recueils de poèmes, 4 romans, 4 essais, 3 recueils de nouvelles, 2 albums jeunesse et 2 ouvrages collectifs soit un total de 25 ouvrages publiés. Le bilan pourrait sembler satisfaisant, mais mon objectif n’est pas encore atteint. Ne me demandez pas d’entrer dans les détails de l’objectif en question. Rires…
Nous restons donc à l’écoute et attendons impatiemment la suite. Steve Bodjona n’est pas qu’Écrivain. Depuis plusieurs années, vous avez également inscrit votre nom en lettres d’or sur la liste des défenseurs et promoteurs de la littérature sur le continent. Votre engagement à travers le Club Le Littéraire Togo dont vous êtes le Président-fondateur en est la preuve. Pourquoi ce combat pour la promotion de la littérature africaine ?
Steve Bodjona : Il y a de ces passions qui ne s’expliquent pas. J’ai senti à un moment donné la nécessité de prendre à bras le corps ce combat alors, je l’ai fait sans me poser de question. J’ai l’habitude de le dire, je suis un pur produit du livre. Je sais ce que le livre m’a apporté, en tant qu’élève et lecteur ordinaire, et je sais ce qu’il m’apporte en tant que lecteur et écrivain aujourd’hui. Disons tout simplement que je rends au livre ce qu’il a su m’offrir.
M. Steve, parlez-nous du Club Le Littéraire. Que devons-nous savoir de cette organisation ?
Steve Bodjona : Le Club Le Littéraire est une association qui regroupe de jeunes écrivains et passionnés du livre qui font de la promotion du livre et de la lecture leur cheval de bataille. L’Association œuvre sur le territoire togolais depuis 2014, bien avant sa reconnaissance officielle par les autorités compétentes de notre pays en 2017. Le Club Le Littéraire intervient dans toutes les activités visant à faciliter l’accès au livre dans toutes les régions du Togo et à favoriser les partenariats pouvant permettre une meilleure ouverture des acteurs du livre vers d’autres pays.
Le Club Le Littéraire est aussi connu pour l’organisation de divers évènements qui visent à promouvoir la littérature africaine, pour cette nouvelle année, quelles sont les différentes activités qui s’inscrivent dans votre agenda ?
Steve Bodjona : Nous nous concentrons pour l’heure sur les préparatifs d’une tournée nationale de promotion du livre et de la lecture qui nous conduira dans les cinq régions du Togo. Il s’agit du prolongement des journées littéraires que nous organisons dans les établissements scolaires depuis le début de la rentrée scolaire 2022-2023 et à l’occasion desquelles nous tenons des conférences, des causeries littéraires et procédons à des dons de livres et/ou d’outils informatiques.
Nous travaillons dans le même temps à définir les contours de la prochaine Foire Internationale du Livre de Lomé qui devrait se tenir en novembre 2023. Une braderie spéciale sera également organisée à une date qui n’est pas encore déterminée. Cette braderie qui s’inscrit dans le cadre des initiatives qui marqueront la célébration de mes dix années de plumes permettra de proposer toute une panoplie de livres à titre gratuit.

Avec tant d’années d’expériences dans le monde littéraire, quelle est votre perception de l’univers de la littérature en Afrique et de votre pays le Togo plus particulièrement ?
Steve Bodjona : Il y a beaucoup d’émulations et d’innovation dans le domaine, mais beaucoup reste encore à faire pour atteindre le niveau de professionnalisme souhaité.
Quelles sont donc vos attentes de cet univers dans les 10 prochaines années ?
Steve Bodjona : Une meilleure prise en compte du livre dans les politiques publiques afin de lui donner la place qui est la sienne dans la formation des élites et dans l’édification harmonieuse de nos pays. Faire du livre la chose la mieux partagée dans notre pays et sur le continent sera la plus belle des prouesses et le plus beau des cadeaux, tant pour la génération actuelle que pour celles à venir.
Pour plusieurs jeunes écrivains, vous êtes un modèle et une référence. Quels sont les conseils, basés sur votre expérience, que vous pourriez partager avec ces jeunes ?
Steve Bodjona : Mes conseils seront d’ordre général. Ils ne se limiteront donc pas qu’au domaine de l’écriture ou de la littérature. En toute chose, il importe de ne pas se presser. Il faut toujours prendre le temps d’apprendre auprès de ceux qui ont déjà fait un bout de chemin. Savoir cultiver la passion pour ce que l’on fait ou souhaite faire, car chaque fois que l’on se retrouve face à une difficulté, c’est cette passion qui nous permet de nous surpasser et qui fait que jamais, nous ne baissons les bras. Se lancer dans une activité sans passion aucune juste par pur suivisme s’apparente à vouloir faire rouler un véhicule sans y avoir mis du carburant.
10 ans de carrière, peu importe le domaine, ça se fête. Qu’avez-vous prévu pour célébrer ces 10 années au service de la littérature ?
Steve Bodjona : Outre la tournée nationale et la braderie spéciale dont j’ai fait mention plus haut, la première des actions est de rendre grâce pour les dix fructueuses années et c’est ce que je fais depuis la première aurore de 2023. Ensuite, sachant que l’écrivain n’en est pas un sans son lectorat, il s’agira d’offrir une nouvelle publication à tous les lecteurs qui me portent depuis 2013 et me permettent d’avancer. Aussi vais-je proposer le roman intitulé « Rêve brisé » au public, courant février. Ce roman de 200 pages dont le prix est fixé à 3 000 fcfa sera exceptionnellement proposé à moitié prix jusqu’au mois d’octobre 2023 (10e mois) de l’année.
Je me ferai également le devoir du serviteur qui se mettra à la disposition de tous ceux et toutes celles qui voudront d’un moment convivial de partage à l’occasion d’une causerie littéraire autour de l’ensemble de mes publications. Je ne saurai passer sous silence le lancement de ShaNat Éditions, la nouvelle maison arrimée au Club Le Littéraire et qui aura désormais la charge d’éditer, à compte d’éditeur, mes ouvrages, ceux à l’initiative du Club et quelques rares ouvrages retenus en fonction de leur pertinence.
Steve Bodjona, félicitations pour le chemin déjà parcouru, ce fut un plaisir ces quelques minutes passées avec vous. Vous avez carte blanche pour conclure cet entretien.
Steve Bodjona : Merci à votre dynamique équipe et merci à tous ceux et toutes celles qui donnent son nom à Steve Bodjona. Vivement de plus belles aventures livresques pour les années à venir.