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Interview : Sefora Kodjo rêve grand pour les femmes entrepreneures en Afrique

Sefora Kodjo Sefora Kodjo
Sefora Kodjo, Présidente du Conseil d’Administration de la Fondation SEPHIS

Dix jours après le succès retentissant de la cérémonie de remise de diplômes à la 4e promotion du programme « African Women of the Future Fellowship (AWF) », la rédaction du magazine Ocean’s News prit contact avec Sefora Kodjo, première tête pensante de la fondation initiatrice de ce programme. Il fallait que l’on sache un peu plus sur cette dame, qui depuis bientôt dix ans épate le monde entrepreneurial par sa détermination et son engagement en faveur de la femme africaine. 

Sefora Kodjo est la Présidente du Conseil d’Administration de la Fondation SEPHIS, une organisation qui œuvre pour l’éducation et la formation des jeunes, notamment des jeunes femmes en leadership. Cette jeune femme ivoirienne qui soufflera sa 30e bougie anniversaire dans quelques mois est un modèle de leadership féminin au sens propre du terme.

Depuis le lancement de la Fondation SEPHIS dans la capitale ivoirienne en 2009, elle a réussi à développer une incroyable réputation autour de son combat pour le leadership et l’autonomisation de la femme. Elle encourage la nouvelle génération à passer à l’action pour représenter valablement la gent féminine dans les instances de prises de décisions au niveau mondial.

En 10 ans, la Fondation SEPHIS a formé en bénéficiaires directs plus de 10 000 jeunes femmes en Afrique et environ 7 000 jeunes en Côte d’Ivoire à travers ses programmes tels que the African Women of the Future Fellowship (AWF). Un programme reconnu par l’Union africaine en 2018, parmi les 50 meilleures innovations du continent, en matière d’éducation. Aujourd’hui modèle de toute une génération en quête de repère, Sefora Kodjo revient sur son parcours et nous livre dans cet entretien le secret de sa fulgurante ascension.

Bonjour Sefora Kodjo. Pour votre première dans le magazine Ocean’s News, veuillez-vous présenter à nos lecteurs. Qui est cette jeune femme qui se cache derrière ce nom aujourd’hui au bout de toutes les lèvres ?

Sefora Kodjo : Je suis Sefora Kodjo. Je suis originaire du sud de la Côte d’Ivoire, née d’un père originaire d’Assinie et d’une mère de Tiassalé. Je me résume un peu comme une mère, épouse et une chef d’entreprise. Je préside le conseil d’administration de la Fondation SEPHIS et je suis la directrice générale du groupe SEPHIS.

Il y a bien des années, vous avez fait le mariage avec le monde entrepreneurial, avec le regard porté sur la jeune fille et la jeune femme. Pourquoi malgré votre background, vous avez décidé de vous tourner vers cet univers ?

Sefora Kodjo : C’est une bonne question. Je ne me suis pas lancée dans l’entrepreneuriat parce que je l’avais prévu. Je pense que c’est ma passion qui m’a rapproché de cet univers, tout simplement parce que j’avais envie d’être utile et de servir ma communauté. Je voyais vraiment qu’il y avait un fort besoin en ce qui concerne l’égalité des chances entre les genres et que je pouvais apporter ma pierre à l’édifice. Ma priorité était d’abord, les jeunes, ensuite les jeunes femmes et au fur et à mesure que les années ont passé, les choses se sont consolidées. Au départ, c’était donc plus une volonté de contribuer, de retranscrire aussi ce que j’ai eu comme avantage dans ma formation. Je suis imprégnée d’une formation anglophone et j’ai eu l’occasion de faire beaucoup de formations à l’extérieur.

Aujourd’hui fondatrice et présidente de la Fondation SEPHIS, vous êtes un modèle d’inspiration pour les jeunes filles de votre pays la Côte d’Ivoire et l’une des entrepreneures à succès que connaît l’Afrique. Racontez-nous brièvement votre parcours, celui qui a permis que vous ayez aujourd’hui cette réputation. Que doit-on retenir ?

Sefora Kodjo : J’ai eu un bac littéraire en 2008. J’ai validé mon Bachelor en administration des affaires en 2013 et dans l’intervalle, je me suis retrouvée vers 2011-2012 à Londres pour renforcer mon anglais. J’ai été sélectionnée pour le programme YALI (Young African Leaders Initiative) du Président Américain Barack Obama en 2015, je me suis donc rendue à New York pour être formée sur les questions de Leadership et développement ainsi qu’une rencontre avec le Président à Washington. Avant le YALI, j’étais consultante dans une étude de notaire. Je travaillais sur le management et proposais des stratégies d’optimisation du temps de traitement des actes notariés. À mon retour du YALI, j’ai intégré l’administration publique. En tant que Chargée d’Etudes au Ministère de la Jeunesse, mon travail était essentiellement, l’organisation et la facilitation des activités, en lien avec les organisations de jeunesse de la Côte d’Ivoire. J’ai toujours privilégié ma formation. 

Présidente du Conseil d’Administration de la Fondation SEPHIS
Sefora Kodjo, présidente du Conseil d’Administration de la Fondation SEPHIS

En 2018, parce que j’ai réalisé que les questions de paix et de sécurité étaient primordiales dans mon engagement pour l’autonomisation des femmes africaines, je me suis formée aux Pays-Bas, à la Haye, en négociation et médiation pour la résolution des conflits. Cette même année (2021), j’ai rejoint officiellement le réseau des femmes médiatrices de paix accrédité par l’Union Africaine : FEMWISE, dont je suis le point focal pour la Côte d’Ivoire. Toujours en 2018, j’ai été sélectionnée par la Fondation OBAMA pour une formation des jeunes leaders africains et une rencontre avec le Président Obama à Johannesburg à ALA (African Leadership Academy).

Je ne peux pas parler de mon parcours sans mentionner mon intégration à l’un des réseaux les plus influents d’Afrique : AWLN (African Women Leaders Network). AWLN est une initiative d’ONU-Femmes et de l’Union Africaine. Il regroupe les femmes les plus influentes d’Afrique. Il est composé au niveau continental des femmes Présidentes, Ministres, Députés, Maires, Leaders du secteur privé et de quelques femmes de la société civile. La marraine du réseau est Sir Ellen Johnson Sirleaf, ancienne Présidente du Liberia et le pays partenaire champion est l’Allemagne. Aujourd’hui, j’ai l’honneur d’agir en tant que point focal de AWLN en Côte d’Ivoire.

J’ai quitté dans la foulée le Ministère de la Jeunesse pour le Ministère de la Communication et Médias où j’occupais les fonctions de Directrice du Porteparolat. Mon travail était principalement l’organisation des activités du Porte-Parole du Gouvernement, également Ministre de la Communication et des Médias. En résumé, je traitais l’actualité nationale et internationale pour proposer au Porte-parole du Gouvernement des actions à prendre ou des projets de communication. Je travaillais sur la préparation du point de presse d’après le conseil des ministres ; et je consolidais le communiqué du conseil des ministres en lien avec le Secrétariat Général du Gouvernement. En outre, toujours pour le compte du porte-Parole du Gouvernement, je travaillais en lien avec la Direction de la Communication de la Présidence et le Centre d’Information et de la Communication Gouvernementale (CICG) sur les stratégies de vulgarisation et de promotion de la communication gouvernementale. 

Autour de janvier 2019, j’ai reçu un arrêté de nomination provisoire m’informant de ma nomination en tant que Conseillère Technique du ministre toujours en charge du Porte-Parolat. J’ai démissionné en mars 2019 pour me consacrer à la Présidence du Conseil d’Administration de mon organisation SEPHIS que je développais en marge pendant toutes ces années. Cette décision aura été la plus changeante de toute ma carrière jusque-là. Pour en finir avec mon parcours académique, en 2020, j’ai été me faire former en diplomatie et négociation de haut-niveau par le DIRCO (Diplomatic Academy and International School) à Pretoria en Afrique du Sud. Ma dernière formation date de mai 2021 en « Strategic Project Management » avec l’université d’Harvard.

Quel a été le véritable déclic vous faisant comprendre que c’est en tant qu’entrepreneure sociale que vous allez écrire votre histoire ? 

Sefora Kodjo : Je pense qu’à l’intérieur de nous, nous avons tous une conviction plus ou moins sur ce qui nous passionne. Je ressentais que mon rôle pour faire avancer l’agenda du genre en Afrique était l’une des choses qui me rendait vraiment heureuse. J’aimais servir et je ressentais que j’apportais des solutions au vu des résultats et des transformations positives qu’on obtenait avec les femmes de nos programmes. J’avais envie de multiplier ce changement. Je souhaitais donc aller sur des programmes plus intenses, des caravanes à l’intérieur du pays ; mais les contraintes de temps me challengeaient. 

Ma décision de démissionner fut possible parce que j’ai eu des gens autour de moi qui m’ont fortement soutenus. La contribution de mon époux et de ma mère ont joué un rôle stratégique dans cette prise de décision. À cette époque, SEPHIS n’était pas suffisamment structurée. Nous n’avions ni bureau, ni staff permanent, que des volontaires. Je ne pouvais pas gérer tout cela à distance, surtout que je recevais les fonds de certains partenaires au développement importants comme UNICEF ou le Département d’Etat Américain. Et parce que j’aime mettre une note d’excellence dans tout ce que je fais, je considérais que la confiance et la réception de ces fonds impliquaient une qualité de temps et une implication totale. 

Je voulais surtout que les partenaires au développement pensent ainsi : « nous avons fait confiance à une jeune femme et elle nous a prouvé que c’était un bon choix… Oui, nous pouvons faire confiance aux jeunes et aux femmes ». Aujourd’hui avec la structuration de SEPHIS, je pourrais considérer les choses différemment quant à déléguer le management de cette organisation.

Pourquoi le combat pour le leadership et l’autonomisation de la femme africaine ?

Sefora Kodjo : Les plus grands engagements proviennent de fortes expériences auxquelles nous avons nous-même été confrontés. Me concernant, cela part du fait qu’en tant que femme, je me suis retrouvée dans plusieurs situations qui m’ont obligé à me surpasser. Je suis une femme qui croit que l’âge et le genre ne devraient pas influencer les opportunités, mais j’ai dû le justifier plusieurs fois en prouvant par mes résultats. Et cela a nourri ma réflexion et mon engagement quant à la participation équitable du genre et l’accès aux mêmes opportunités. À mon sens, les choses ne pourront changer que si les femmes sont de plus en plus compétentes, si elles sont de plus en plus présentes dans les instances décisionnaires et si elles sont économiquement fortes, etc. C’est exactement le travail que nous faisons à la fondation SEPHIS à travers nos programmes pour les jeunes femmes.

Vous êtes la Fondatrice et la Présidente de la Fondation SEPHIS. Pour ceux qui entendent parler de cette fondation pour la première fois, que doivent-ils savoir ?

Sefora Kodjo : Ce qu’il faut savoir de SEPHIS, c’est l’égalité des champs et des opportunités. On essaie de donner massivement des champs aux gens qui sont parfois minoritaires dans les systèmes. Des gens qui n’ont pas toujours les mêmes chances, à savoir les femmes et les jeunes, parce que les opportunités peuvent se présenter, mais parfois les femmes et les jeunes n’ont pas accès à ces opportunités. SEPHIS, c’est d’abord le partage d’opportunités, de la mise à niveau des opportunités égales et équitables. Nous, on ne s’est pas contenté de voir les failles du système, mais nous nous sommes demandés ce que nous pouvons faire pour que cela fonctionne. Et avec la formation, nous voulons résoudre ces cas. Nous avons deux mots d’ordre : Égalité-équité et Leadership.

Sefora Kodjo

Généralement, les gens nous associent plus au leadership parce que la base de nos formations et programmes sont basés sur les questions de leadership. Même dans notre manière de travailler, nous y mettons beaucoup de leadership.

Quelle est l’histoire de la Fondation SEPHIS ? Dites-nous quand tout a commencé. Qu’est-ce qui a amené l’idée d’une telle initiative ?

Sefora Kodjo : Il y a eu des évènements qui se sont succédé et qui ont fortement influencé ma façon de considérer mon rôle en tant que femme. Déjà les femmes actives qu’on voit, pour la plupart, c’est le résultat d’un héritage de famille. Il y a forcément un héritage qui va vous rendre plus sensible aux questions liées aux femmes, c’est mon cas. Ma mère n’a jamais été une femme nécessiteuse. On a tout le temps eu de bonnes conditions, un niveau de vie intéressant, mais elle était très peu présente pour nous (nous étions six enfants). Au fur et à mesure que je grandissais, j’ai compris que c’est parce qu’elle travaillait dur. Elle était une femme d’affaires. On s’était dit mes sœurs et moi que nous ne ferions pas pareil une fois mamans. Aujourd’hui, je me rends malheureusement compte que je suis exactement la même femme, je travaille énormément et je suis très peu avec mes enfants en semaine. Ceci pour dire qu’on hérite d’abord de la famille, ce qui nous rend plus sensible aux questions des femmes. 

Le deuxième point, c’est que je me suis senti moi-même défavoriser en tant que femme parce qu’à une époque de mon parcours académique, je voulais accéder à une position de leadership dans mon université pour le bureau du président des étudiants de l’école et j’ai été confrontée à plusieurs obstacles qui étaient basés sur les opinions. Les gens croyaient qu’il ne pouvait y avoir de femmes présidentes au bureau des étudiants et que c’était uniquement réservé aux hommes. Pire, c’est ce que pensaient les jeunes filles de l’école également. Mais moi, j’ai toujours eu dans mon esprit que la femme peut faire ce que l’homme peut faire, parce que ce que j’ai vu ma mère faire ce que mon père faisait.

Pour moi, il n’y avait pas de limite à ce qu’une femme pouvait faire. Les gens me disaient que je ne pouvais pas faire ça, mais comme ma mère a joué un rôle de leadership, ça m’inspirait de jouer un rôle de leadership aussi. Comme les gens insistaient sur le fait que les femmes ne pouvaient pas le faire, je suis allée sur internet pour chercher toutes ces femmes qui font des choses extraordinaires et j’ai découvert des profils qui se plaignaient que même à l’international, la participation des femmes dans les institutions est limitée. J’ai donc compris que c’était un problème mondial.

J’ai vu qu’il y avait des femmes qui parlaient et voulaient changer les choses. J’ai également pris la décision de faire partie de ces femmes. Cette même année, j’ai aussi rencontré une fille qui a fortement influencé mon engagement. C’était dans un orphelinat à Yopougon (un quartier populaire de la capitale ivoirienne). J’étais arrivée avec des vivres, mais il y avait une fille qui avait pratiquement mon âge qui ne semblait pas être trop contente et pleurait. Elle était triste et j’ai eu à penser que j’ai dû manquer d’apporter quelque chose qu’elle voulait. Quand je lui ai posé la question, elle a dit : « Quand je te regarde, j’aurai pu être à ta place. Mais je suis née dans la mauvaise famille. Toi, tu es née dans la bonne famille. Moi, j’ai décidé de ne pas aller à l’école pour donner la chance à mes petits frères d’y aller parce qu’il faut quelqu’un pour prendre soin d’eux et quand ils vont réussir demain, ils vont se rappeler de moi ».

Cela m’avait touché parce que ces enfants qu’elle espérait la faire sortir de la misère un jour n’était que des petits de quatre ans. Je lui ai donc dit qu’elle ne pouvait pas attendre et compter sur quelqu’un d’autre pour la sortir de la misère. En quittant l’orphelinat, je me suis dit qu’il y avait sûrement d’autres filles qui pensaient de la même manière. J’avais une envie de taper à leurs portes pour parler avec elles et leur dire d’arrêter de penser ainsi. C’est ce qui m’a le plus donné un appétit pressant d’être la présidente du bureau des étudiants pour pouvoir contribuer à l’amélioration des choses. J’ai donc monté une équipe de campagne dans l’établissement.

Quand j’ai été élue en 2010, l’école était obligée de faire une cérémonie d’intronisation parce que ma campagne était devenue une affaire de l’école. Les jeunes femmes de l’école qui ne croyaient pas en moi au départ ont commencé par m’approcher pour que je les aide à prendre la parole en public. J’ai donc commencé à coacher les filles de mon école. S’est ensuivi des invitations d’universités pour faire des caravanes et conférences. 

Quelle est donc la vision de SEPHIS ?

Sefora Kodjo : SEPHIS est née en 2009 d’une volonté d’améliorer le positionnement des femmes en Afrique et de pousser l’agenda féminin en donnant des opportunités équitables et valorisantes aux femmes. En 2015, nous avons entamé l’ouverture de nos Ambassades dans différents pays africains. À cette époque, j’avais 24 ans, mais je croyais déjà que l’impact de SEPHIS serait continental. J’ai donc entamé des collaborations avec des femmes qui, dans leurs pays, sont pour la plupart des femmes qui maitrisent le terrain. L’idée pour moi, c’était que ces femmes puissent identifier un challenge, un besoin et voir dans quelle mesure contribuer à l’avancement de l’agenda féminin. Nous les formons pour qu’elles aussi arrivent à faire évoluer les choses dans leurs pays. Bien-sûr, les priorités de la Fondation SEPHIS diffèrent d’un pays à un autre sur le continent.

Nous avons beaucoup travaillé dans des pays comme le Togo sur le leadership et la participation des femmes, parce que le Togo et la Côte d’Ivoire ont plus ou moins le même agenda sur ces questions. En RDC, nous avons travaillé sur l’éducation et beaucoup plus sur la vulnérabilité des femmes en ayant conscience du taux élevé de jeunes femmes mères vulnérables.

Au Burkina-Faso et en Guinée, nous travaillons sur l’éducation des filles et leur accès à l’école. En Mauritanie, sur les questions de mutilations génitales féminines, violences basées sur le genre. En France, sur le retour des femmes africaines diplômées issues de la diaspora dans leurs pays d’origines. Au Canada, sur l’intégration des jeunes femmes africaines qui viennent étudier parce que parfois, elles arrivent dans le pays et n’ont aucun repère. La vision de SEPHIS est donc d’accompagner les femmes africaines dans leur évolution et leur épanouissement, qu’il soit professionnel ou social afin qu’elles jouissent des mêmes droits et qu’elles déploient leur plein potentiel pour le développement du continent.

Faites-nous une mise à jour des pays dans lesquels on retrouve la Fondation SEPHIS.

Sefora Kodjo : A ce jour, SEPHIS est représentée dans 07 pays africains : (Mali, Mauritanie, Sénégal – Burkina-Faso – République Démocratique du Congo – Togo, Côte d’Ivoire) en France et au Canada.

La Fondation SEPHIS, c’est plusieurs programmes au rang desquels on retrouve l’initiative « African Women of the Future Fellowship » (AWF). Donnez-nous plus de détails sur ce programme. 

Sefora Kodjo : African Women of the Future Fellowship (AWF) est un programme d’excellence qui sélectionne les femmes entrepreneures afin d’accélérer leur leadership et les performances de leurs entreprises, de sorte qu’elles puissent créer à l’intérieur de leurs business, de nouvelles opportunités en termes de création d’emplois pour d’autres femmes. Il y a beaucoup de femmes qui sont à une phase de croissance de leurs activités à très fort potentiel, mais parfois elles ont besoin de renforcer leur leadership et leurs stratégies managériales. C’est dans cette optique que nous avons lancé ce programme avec l’appui de la Coopération Allemande à travers la GIZ et son programme pour l’Emploi et la Promotion des PME : Invest for Jobs. AWF a été reconnu par l’Union Africaine en 2018 parmi les meilleures initiatives du continent en matière d’éducation.

Sefora Kodjo

L’objectif de ce programme est d’agrandir les opportunités des jeunes femmes entrepreneures en leur donnant l’accès à un plus large réseau de potentiels partenaires ; en renforçant leurs capacités pour la gestion stratégique de leurs activités et en les faisant accompagner par des mentors pour relever au quotidien leurs défis professionnels. Les bénéficiaires du programme AWF participent à une formation intensive en Leadership, Gestion de Projets, Art Oratoire, Négociation, Levée de Fonds, Communication Digitale, etc. Elles sont aussi soumises à des sessions d’échanges de haut niveau avec des dirigeants du secteur privé ou public. La formation s’achève par une cérémonie de graduation et est sanctionnée par un certificat endossé par la GIZ, la Fondation SEPHIS et ONU-Femmes. 

Nous avons dans chaque cohorte 36 jeunes femmes entrepreneures. Nous formons donc par an 72 femmes entrepreneures. Dans notre stratégie, nous sommes persuadés qu’on ne peut séparer l’entrepreneure de l’entreprise, nous travaillons donc à la fois le développement de l’entreprise ainsi que le développement personnel de l’entrepreneure, à savoir l’estime de soi, le leadership, le management et l’assurance.

Le 18 juin 2021, vous avez procédé à la graduation de la promotion 2020 du programme « African Women of the Future Fellowship » (AWF). Quels étaient vos sentiments en voyant toutes ces jeunes femmes heureuses ? 

Sefora Kodjo : Chaque année, je revis la même émotion. Après la cérémonie de graduation des lauréates AWF, il me faut quelques jours pour me remettre de mes émotions, parce que je réalise une fois de plus que derrière chaque femme, il y a une famille, une communauté, une entreprise, il y a plein de gens. Elles viennent seule à la formation, mais le jour de la graduation, leurs familles ou leurs collègues viennent très souvent nous témoigner leur gratitude avec une lueur d’espoir dans les yeux. Je me confirme que je ne travaille pas seulement avec des individus, mais avec des communautés. La graduation est pour moi un moment où je me ressource parce que j’ai l’occasion de me confirmer à nouveau qu’autonomiser une femme, c’est regarder toute une communauté de prêt.

Alors, dites-nous quel bilan faites-vous de cette 4e édition ? Objectifs atteints ? 

Sefora Kodjo : Je pense, comme on le dit avec mes collaborateurs, chaque édition est un challenge de la précédente. On se met toujours la pression de relever la barre plus haute pour que ce soit une forme d’innovation, de nouveautés à l’intérieur de nos programmes. On évite de voir la reprise dans nos programmes pour maintenir la flamme d’excitation à chaque édition.

Je peux donc dire que pour cette 4e édition, nous avons atteints nos objectifs. C’est une édition qui nous a surpris parce que la qualité des projets, des activités étaient de qualité, d’un niveau intéressant. Tout ça démontre le positionnement du programme AWF. Nous avons reçu des femmes qui font des chiffres d’affaires impressionnants et c’est ce que le programme AWF veut apporter aujourd’hui. Que les femmes fassent un ou deux millions de chiffres d’affaires, elles ont compris que la formation est la clé.

En 4 éditions, vous avez sans doute connu des difficultés et essuyé des échecs. Qu’est-ce qui vous a permis de tenir le cap ? 

Sefora Kodjo : C’est vrai que les difficultés n’ont pas manqué. Principalement pour cette 4e édition, à cause de la crise sanitaire, nous étions à deux doigts d’annuler le programme AWF. Mais comme dans le plan stratégique de nos activités, nous avons prévu des approches de solution dans ces cas de situations, on avait des options sur la table dans lesquelles nous avons pioché. 

La 5e édition du programme a été aussitôt lancée à la fin de la cérémonie de graduation de la promotion 2020. Alors, dites-nous qui peut en bénéficier et quels sont les critères déterminants pour candidater ? 

Sefora Kodjo : Toutes les femmes entrepreneures africaines, comprises entre 18 et 35 ans, peuvent candidater. Elles doivent avoir un business ayant un minimum de deux ans d’existence. Elles doivent également résider en Côte d’Ivoire.

En dehors du programme « African Women of the Future Fellowship » (AWF), quelle est l’actualité de la Fondation SEPHIS ? Avez-vous des projets à venir ou des projets en cours de réalisation que vous aimeriez partager avec nous ?

Sefora Kodjo : Nous avons beaucoup travaillé avec l’UNICEF l’année dernière. Nous avons fait un programme sur l’éducation des filles et nous avons mené des actions avec des filles sur le terrain dans certaines localités de la Côte d’Ivoire. Pour la fin de cette année, on prépare la 3e édition du Forum International du Leadership Féminin (FILF). C’est un évènement qui regroupe les acteurs du secteur privé, public et de la société civile pour discuter des questions liées à la participation des femmes, leur positionnement et leur développement économique. 

Nous aborderons principalement les questions stratégiques de l’agenda du genre en Afrique de l’Ouest. Une délégation Allemande a déjà confirmé sa présence et nous travaillons avec nos ambassadrices pour voir dans quelle mesure les jeunes femmes de ces différents pays dans lesquels nous sommes représentés pourraient participer. Sur le plan national, nous avons mis l’accent sur nos autorités au niveau du gouvernement, le secteur privé et les élites des institutions.

J’aimerais à présent qu’on s’intéresse de plus près à vous. Sefora Kodjo est aujourd’hui une femme connue et respectée. Beaucoup suivie sur les réseaux, notamment sur Facebook, un canal par lequel vous passez pour sensibiliser, conscientiser et motiver la jeunesse africaine, comment arrivez-vous à gérer votre popularité ? 

Sefora Kodjo : Mes collaborateurs disent que ma communication est beaucoup institutionnelle, et que mon monde professionnel est privilégié par rapport à ma vie privée dans mes sorties publiques ou médiatiques. Je pense que pendant des années, ça été voulu. J’avais besoin de construire une légitimité dans un secteur et j’étais très jeune, j’ai donc axé ma communication sur les partages de mes expériences professionnelles.

Je pense que sur le point de ma vie privée – mes enfants – mon époux, ça toujours aussi été un choix de ne pas les partager sur les réseaux, étant donné que ma vie est déjà beaucoup trop publique, ma famille (mes enfants et mon époux) sont les seules choses qui m’appartiennent et je suis jalouse de cette relation que j’ai avec eux. Plus tard surement, mais pour l’heure, je me réserve de partager ce bonheur. En outre, je partage très souvent mes expériences de la vie, en particulier les défis ou les difficultés surmontées, pour inspirer d’autres femmes et leur dire que tout est possible.

Ma communication est organisée par une équipe. J’ai des collaborateurs qui réfléchissent sur la stratégie et la manière de communiquer et de présenter notre travail. Je pense qu’aujourd’hui la construction de mon branding personnel repose sur les messages par rapport au travail. On est obligé de travailler le branding parce que ce sont des choses qui nous permettent d’avoir une voix, d’inspirer des jeunes femmes. On partage un peu de mon histoire en dehors de SEPHIS, mes difficultés dans la vraie vie. Quand on parle de nos expériences difficiles, il y a une ou des jeunes femmes qui s’y retrouvent et ont envie d’y croire.

Invitée du 15e numéro du magazine Ocean’s News madame Catherine Samba-Panza, ancienne présidente de la Centrafrique déclarait : « qu’il est temps que les femmes prennent la conduite des affaires du monde pour gouverner autrement ». Partagez-vous son avis ?

Sefora Kodjo : Je suis entièrement d’accord avec elle. J’ai eu le plaisir de la rencontrer la première fois à Addis-Abeba en 2018 et la deuxième fois en 2019 au Kenya. Elle fait partie des figures qui m’ont donné encore plus de convictions pour avancer. Durant nos échanges au Kenya, elle m’a dit des choses qui ont fortement influencé mon état d’esprit. Entre autres, elle disait que « les femmes ne devraient pas s’excuser d’avoir des ambitions et d’avoir honte d’être à la table des décisions. Elles ne devraient pas se culpabiliser de travailler autant ou d’avoir des ambitions égales à celle des hommes, de vouloir diriger et gouverner. Les femmes doivent elles-mêmes changer leurs mentalités ». Et c’est bien ce que nous enseignons aux femmes dans nos programmes aujourd’hui.

Présidente du Conseil d’Administration de la Fondation SEPHIS

Alors à qui est la faute si les femmes sont peu nombreuses dans les instances de prises de décisions sur le continent ? 

Sefora Kodjo : Je pense que les responsabilités sont partagées entre les femmes elles-mêmes et nos gouvernements.

Alors, dites-nous, quelle est la tâche qui incombe aussi bien à nos gouvernements et aux femmes elles-mêmes pour une relève de femmes responsables et présentes aux endroits de prises de décisions sur le continent ? 

Sefora Kodjo : Pour les femmes, la formation est la clé, mais après, il faut le courage d’ouvrir les portes, de prendre des places sélectives et de s’y distinguer positivement. En tant que femmes, nous pouvons être si attachées à la famille que parfois, prendre des décisions qui incluent des positions de leadership nous challengent, car nous pensons directement à l’impact de nos choix et des changements sur les nôtres. Les hommes quant à eux passent à l’action, ils réalisent aussi les impacts de leur choix, mais ils trouvent le courage d’avancer. Aujourd’hui, les femmes ont besoin de voir d’autres femmes qui font plusieurs choses extraordinaires pour créer une vague d’inspiration.

Aussi, la question du partage inter-relationnel est cruciale. Il faut que les femmes soient coachées, c’est pourquoi nous avons à la Fondation SEPHIS, un gros volet mentorat à l’intérieur de nos programmes. Les femmes ont besoin des mentors pour les guider et les aider. En ce qui concerne les politiques, il reste encore un travail pour renforcer la représentativité plus inclusive des femmes dans les instances décisionnaires. Il faut une volonté plus accrue de leur part pour imposer les femmes dans le système parce qu’elles sont compétentes. Les uns et les autres auront alors l’habitude de travailler avec des femmes, de décider avec des femmes ou de se faire diriger par des femmes.

Vous avez embrassé l’univers entrepreneurial il y a exactement 10 ans. Si on vous demandait de faire un bilan de ces 10 ans au service de la jeune femme africaine, ce serait lequel ? Avez-vous des regrets ? 

Sefora Kodjo : Dans mon parcours, je n’ai pas eu beaucoup de regrets. Je pense que les résultats positifs ou négatifs que j’ai obtenus ont contribué à ce que je suis aujourd’hui. Comme beaucoup, j’ai eu des échecs qui ont joué sur mon assurance et ma confiance. J’en ai tiré les bonnes leçons et je suis passée à autre chose. Je pense que tout cela a consolidé la personne que je suis aujourd’hui. Dans ma vie de femme entrepreneure aussi, j’ai pris des décisions et plus tard, je me suis dit que j’aurais pu les prendre autrement, mais je n’ai vraiment pas de regrets.

Dans ma vie de tous les jours, je donne beaucoup d’amour aux autres. Je n’ai pas de regret parce que je ne garde pas d’amertume ni de la colère dans mon cœur. Pour moi, la vie est belle. Je peux être dure dans le travail parce que je suis exigeante avec moi-même. J’attends aussi des gens la meilleure version d’eux, donc je suis rigoureuse pour les aider à briller davantage.

Quelle est votre projection sur 10 ans avec la Fondation SEPHIS ? 

Sefora Kodjo : Dupliquer le programme African Women of the Future Fellowship dans autant de pays que possible, parce que c’est un programme génial qui apporte des solutions concrètes et durables aux femmes.

Tout au long de votre parcours d’entrepreneur, vous avez remporté plusieurs prix pour votre engagement. Quels sont ceux qui vous ont le plus marqués ? 

Sefora Kodjo : Je pense que c’est ma sélection à certaines formations. Il y a le YALI qui est très représentatif dans mon parcours. Le véritable décollage de mes activités est parti du YALI. C’est pourquoi je suis reconnaissante à l’administration OBAMA parce qu’au-delà de la formation, ils nous ont imposé et crédibilisé dans nos pays et à l’époque, je n’avais que 23 ans. 

Pas besoin de vous rappeler que pour beaucoup de jeunes filles et jeunes femmes, vous êtes un modèle d’inspiration. Quels conseils pouvez-vous leur donner ? 

Sefora Kodjo : Je vais leur demander de savoir gérer leur temps et surtout de rester concentrées. J’ai appris à discerner le divertissement de la distraction. Il ne faut pas être distraite la plupart du temps. Je dirai donc à ces jeunes femmes que ma vie n’est pas simple. Je travaille dur, je suis concentrée, je sais ce que je veux. Une femme qui est respectée, est une femme qui sait ce qu’elle veut et ce qu’elle vaut. Si toi-même, tu ne te bats pas pour tes rêves, tu n’auras jamais la satisfaction qu’il faut. Soyez des femmes concentrées, fixez-vous des objectifs et donnez-vous les moyens de les atteindre par un travail constant, excellent, unique et un cœur bienveillant.

Madame Sefora, nous sommes à la fin de cet entretien. Mais avant d’y mettre un point final, dites-nous, si on vous donnait l’opportunité de faire un vœu qui se réaliserait dans l’immédiat. Un seul : ce serait lequel ? 

Sefora Kodjo : Développer le centre de formation SEPHIS.

Magazine panafricain

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