À 29 ans, Mariam N’Diaye n’a rien d’une entrepreneure ordinaire. CEO de la start-up de tourisme Broke & Abroad et auteure de « Voyager solo ? Même pas peur », elle fait partie de ces jeunes ambitieux qui défendent l’idée d’un voyage accessible à tous, bien au-delà des clichés et des contraintes financières. Portrait.
À l’âge où ses camarades de classe revenaient de Grèce, d’Espagne ou du Maroc, Mariam N’Diaye répondait sobrement à la question fatidique de l’institutrice : « Et toi, où es-tu partie cet été ? ». « Dans le 93, répondait-elle souvent. » Pas de grands voyages, pas de souvenirs de plages lointaines, juste des vacances chez une cousine, faute de moyens. Pourtant, cette frustration d’enfant allait devenir le moteur d’une ambition, faire du voyage accessible une réalité pour toute une génération.
Elle a 13 ans lorsqu’elle découvre pour la première fois les terres de ses parents, entre Sénégal et Mauritanie. Un road trip familial, improvisé, mais fondateur. « Pour mes parents, c’était important que l’on connaisse l’Afrique, mais nous étions douze enfants… alors, ils nous faisaient voyager par petits groupes », raconte-t-elle. Ce premier frisson de “l’ailleurs” devient une révélation. Très vite, Mariam N’Diaye se nourrit de récits d’aventure empruntés à la bibliothèque du quartier.
Quelques années plus tard, c’est seule qu’elle s’envole pour Londres dans le cadre d’un stage. « J’étais timide, partir seule était un vrai défi. Mais j’ai adoré », se souvient-elle. Suivent Taïwan, le Mexique, puis une série d’escapades financées grâce à des jobs étudiants et des heures passées sur les comparateurs de vols. « Pendant que d’autres faisaient défiler leurs fils Instagram, moi, je chassais les bons plans. », raconte-t-elle.
Mariam N’Diaye : Quand la passion devient un projet

De ce talent pour dénicher des voyages à petit prix naît le rituel de partager ses trouvailles sur Instagram et Twitter. Au départ, ce sont ses amis qui lui demandent comment elle parvient à voyager autant. Puis la communauté s’élargit. « J’ai une très mauvaise mémoire, alors publier mes expériences était une façon de ne pas les oublier », dit-elle.
En 2019, la démarche devient une entreprise. Avec ses compagnons de route, Steven Faber et Junior Bidounda, Mariam N’Diaye cofonde Broke & Abroad, une agence de voyages en ligne dédiée aux 18-35 ans, lancée pour ceux qui n’entrent dans aucune case du tourisme classique.
Grâce à l’intelligence artificielle et un algorithme malin, la plateforme repère vols, hôtels et activités aux meilleurs prix. Les clients, baptisés affectueusement « Brokies », peuvent choisir entre une offre gratuite ou un abonnement abordable.
En cinq ans, la start-up Broke & Abroad a déjà fait voyager plus de 60 000 jeunes, dont 70 % de femmes, et séduit une communauté de 144 000 abonnés sur Instagram. Une success story qui a commencé dans un petit bureau, sans réseau ni carnet d’adresses dans l’industrie du tourisme.
Le positionnement de Broke & Abroad finit par attirer l’attention. Après avoir remporté le concours « Tremplins de l’innovation e-tourisme » de Voyage Privé, l’équipe bénéficie d’un précieux mentorat. Station F, Maurice Lévy, Jean-Pierre Nadir… la liste des soutiens grandit. Jusqu’à Pharrell Williams lui-même, via son initiative Black Ambition, qui récompense Broke & Abroad du Paris Prize Competition 2024.
Mariam N’Diaye reste en perpétuel mouvement. Déjà 60 pays parcourus, toujours prête à plier bagage. Le Vietnam, l’Islande, l’Ouzbékistan ou encore le Congo figurent sur sa liste des deux prochaines années. Des voyages qu’elle privilégie en solo, convaincue que c’est la meilleure manière de s’imprégner d’un lieu et d’en ressortir transformée.