Au Togo, face au coronavirus, le gouvernement a mis en place le programme Novissi, le 8 avril 2020. Il s’agit d’un revenu universel de solidarité pour sa population. Même si l’initiative est à louer, une grande partie de la population estime que le gouvernement pouvait mieux faire, notamment au niveau des conditions d’éligibilité et des sommes octroyées.
Novissi qui veut dire solidarité en Ewé, langue majoritairement parlée du pays, vise à accompagner les couches les plus vulnérables, affectées par l’état d’urgence de trois (03) mois imposé pour limiter la propagation du coronavirus dans le pays. Le programme Novissi, comme l’indique la note du gouvernement est un soutien financier mensuel en vue d’aider les bénéficiaires à faire face à leurs besoins de base (vivres, eau, électricité, communication).
Il concerne les travailleurs du secteur informel, âgés au moins de 18 ans, résidant sur le territoire national et ayant perdu leur revenu en raison de l’adoption des mesures de riposte contre le coronavirus. Les portefaix, les vendeurs ambulants, les revendeurs, les artisans, les employés de bars, les conducteurs de taxi et les conducteurs de taxi-moto, communément appelés zémidjans, sont les travailleurs éligibles au programme Novissi.
Excepté les conducteurs de taxi-moto qui recevront 20 000 FCFA chaque mois, environ 700 FCFA par jour, les autres bénéficiaires devront se contenter de 12 500 FCFA ou 10 500 FCFA, selon le sexe. Soit environ 450 FCFA et 350 FCFA par jour, respectivement pour les femmes et pour les hommes. La moitié du montant sera versée toutes les deux semaines sur le porte-monnaie électronique de chaque bénéficiaire via les opérateurs de Mobile Money (Tmoney et Flooz), durant l’état d’urgence sanitaire. Pour rappel, l’activité des taxi-moto sera suspendue au lendemain du 11 avril 2020.
Le programme Novissi, la carte d’électeur, le critère parmi les critères qui blessent !
C’est la condition qui blesse le plus. En effet, en dehors des conditions citées plus haut pour être éligible au programme Novissi, la condition toujours au cœur des débats, trois (03) jours après le lancement de ce programme est l’obligation de détention de la carte d’électeur. Plusieurs y voient une volonté manifeste du gouvernement d’exclure les militants de l’opposition ayant boycotté les trois révisions successives des listes électorales depuis 2018.
Justifiant le choix du gouvernement, Kodjo Adédzé, le ministre togolais du Commerce et de l’Industrie a rassuré qu’aucune intention politique n’est derrière ce choix : « Le constat est que plus de 3 millions de Togolais ont une carte d’électeur alors que pour une carte d’identité, ils sont seulement un peu plus d’un million. Le gouvernement entend toucher beaucoup plus de concitoyens à travers la carte d’électeur », a-t-il expliqué.
Malgré les explications du ministre, plusieurs citoyens ont appelé à une solution mixte, combinant l’utilisation de cartes d’électeur et d’identité nationale. Si elle paraît simple et plus inclusive, sur le plan opérationnel, cette solution présente d’autres défis non moins importants, dont la gestion des doublons.
Perturbation des réseaux mobiles
Dès l’annonce du lancement du programme Novissi, mercredi 8 avril 2020, le service USSD mis en place pour les inscriptions assorties d’une première tranche immédiate était saturé au bout de quelques heures avant de reprendre dans la soirée. La forte affluence qui a saturé les réseaux des deux opérateurs du pays a également joué sur la connexion internet qui jusque-là n’est toujours pas stable. Dans la journée du 8 mars, les transactions de transferts d’argent ont peiné à aboutir.
Les arnaqueurs dans la danse
L’une des causes de la saturation des réseaux mobiles est l’implication des arnaqueurs. Comme toujours, des individus ont essayé aux premières heures de ce programme d’usurper les numéros de cartes d’électeurs pour bénéficier du programme. Par la voix du ministre des Mines et de l’énergie, Marc Ably-Bidamon, l’autorité a sévèrement condamné ces actes : « Tous les fraudeurs seront retrouvés, poursuivis et punis conformément à la loi et au Code pénal », a déclaré le ministre sur les antennes d’une radio locale, le jeudi 9 avril 2020. Il a poursuivi en précisant que « selon les estimations, le programme Novissi va coûter près de 12 milliards de francs CFA au Togo sur les trois mois et pourrait être reconduit si les circonstances l’exigent. »
Notons que ces fraudes constatées ont poussé le gouvernement à poursuivre le programme par appel téléphonique. À la date du 10 avril 2020, le programme Novissi a enregistré un total de 163 740 individus dont 88 339 bénéficiaires. Sur l’ensemble des 163 740 bénéficiaires, 88 339 ont été jugés éligibles et ont déjà bénéficié de leur aide pour un montant de 511 395 375 F CFA.
Réflexion faite, et après les différentes attaques reçues depuis son lancement, l’on se demande si tous les points ont été analysés avant que le gouvernement ne lance officiellement le programme Novissi. Va-t-il pouvoir résister à d’autres attaques jusqu’à la fin de l’état d’urgence ? La question reste posée.
Rappelons que le Togo compte 76 cas confirmés de coronavirus dont 48 cas actifs, 23 guéries et 3 décès (mise à jour du 11 avril à 8h).