L’agence de notation financière de l’Union Africaine, dont la création avait été annoncée en 2022 par le président sénégalais Macky Sall, alors à la tête de l’Union Africaine, pourrait finalement être établie d’ici 2024. Cette information émane de Reuters, qui, dans son rapport du 12 septembre 2023, cite une source interne au sein de l’institution panafricaine.
Afin de faire face aux évaluations « très arbitraires » des agences internationales de notation telles que Fitch, Moody’s et S&P Global Rating, et estimant que leur appréciation du risque d’investissement en Afrique est toujours surévaluée par rapport au risque réel, l’Union Africaine envisage de lancer en 2024 sa propre agence de notation financière.
Ce projet avait déjà été approuvé durant le courant du deuxième trimestre de l’année 2022 par les ministres des Finances de l’Union Africaine. Mis en place par le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP), bras séculier de l’Union Africaine créé pour améliorer la gouvernance sur le continent, le projet de l’agence de notation financière de l’Union Africaine sera soumis en février 2024 à la discrétion du conseil exécutif de l’institution panafricaine. Une fois approuvée, l’agence de notation financière de l’Union Africaine pourrait voir ses activités démarrer sur le continent africain.
« Le secteur privé est déjà très intéressé par la mise en œuvre de cette initiative… Les investisseurs ont été très positifs. Ils veulent voir ce qui en résultera », a affirmé Misheck Mutize expert principal de l’Union Africaine. « L’agence, qui élaborera sa propre évaluation des risques liés aux prêts accordés aux pays africains, sera basée sur le continent et ajoutera un contexte aux informations que les investisseurs prennent en considération lorsqu’ils décident d’acheter des obligations ou d’accorder des prêts », a-t-il ajouté.
Le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP) a dans un récent rapport dénoncé les « lacunes flagrantes » du Big Three de la notation financière mondiale, qui classent la quasi-totalité des États africains au bas de l’échelle de notation ce qui entraîne un coût d’endettement toujours plus élevé pour ces pays. « Moody’s, Fitch et S&P continuent de commettre des erreurs significatives dans leurs notations, et continuent d’influencer les décisions de financement et les flux de capitaux au niveau mondial », relève le rapport du MAEP qui montre que les dernières évaluations omettaient souvent « des données critiques qu’il est souvent préférable d’obtenir dans le pays au cours des examens de crédit ».
Ne voulant pas remettre en question ces agences de notation qui sont « enregistrées dans un seul pays », le professeur Warris Attiya, expert indépendant des Nations Unies a confié à The East African que ces trois sociétés privées collectent des données sur tous les pays du monde et leur personnel produit des évaluations. Ces entités privées tirent un profit de la manière dont elles notent les pays et il n’existe aucune réglementation mondiale à ce sujet, mais l’effet qu’elles ont est énorme. Leurs évaluations ont un effet sur les pays en temps réel.
Il partage le point de vue qu’a énoncé l’Union Africaine dans sa 7ᵉ édition du MAEP en ces termes : « Contrairement au second semestre 2022, où il n’y a pas eu d’émission unique d’obligations souveraines, le premier semestre 2023 a vu deux émissions d’obligations de l’Égypte et du Maroc, qui ont émis un montant combiné de 4 milliards de dollars. L’Égypte, qui a maintenant la plus grande valeur d’obligations souveraines en circulation en Afrique, soit 37,5 milliards de dollars, a été déclassée par Moody’s et Fitch, ce qui a fait grimper son coût d’emprunt, pour émettre l’obligation Sukuk à plus de 10 % ».
C’est pour pallier toutes ces observations qu’il est impératif de doter l’Afrique d’un outil d’évaluation objectif du risque d’investissement. Les attentes face à cette nouvelle agence de notation financière de l’Union Africaine seraient donc de proposer de complètes évaluations équilibrées sur les instruments de crédits africains. Cela pourrait faciliter l’accès aux capitaux et le développement des marchés financiers nationaux.
Implantée sur le continent africain et dirigée par le secteur privé, la prochaine agence de notation financière de l’Union Africaine s’autofinancera et sera supervisée par l’Union Africaine. « Notre objectif n’est pas de remplacer les trois grands… nous avons besoin d’eux pour soutenir l’accès aux capitaux internationaux. Notre objectif est d’élargir la diversité des opinions », a précisé le représentant de l’UA. « Nous savons que les trois grands suivent l’avis d’autres agences de notation plus petites. Elles ont reconnu que d’autres agences de notation plus petites ont un avantage dans la compréhension de la dynamique nationale », a ajouté M. Mutize.