En Afrique du Sud, les « gogos » sont majoritairement celles qui détiennent les secrets et l’histoire de la nation. Véritables piliers de la société, elles représentent la mémoire de tout un continent. Traversant les cultures et les époques, les « gogos » restent les conservatrices de l’histoire de tout un peuple.
Sur la terre de Nelson Mandela, les gardiennes de l’histoire portent le surnom de « gogos ». Véritable patrimoine humain riche en souvenirs, elles retracent également l’histoire à travers la conservation des langues anciennes disparues.
Dans la ville de « Upington », aux portes du désert du Kalahari, au nord-ouest de l’Afrique du Sud, les projecteurs ont été braqués sur Katrina Esau. Âgée de 89 ans, cette « gogo» réside dans l’un des townships du pays. Incroyable mais vrai, Katrina Esau est gardienne d’un trésor précieux : une langue ancestrale qu’elle est désormais la seule à parler, le “N|uu”.
Langue aux clics si particuliers, le “N|uu” est l’un des dialectes sud-africains du peuple San, des chasseurs-cueilleurs déjà présents dans la région il y a plus de 20 000 ans. Suite au décès de ses frères et sœurs, Katrina Esau reste la seule et unique qui a connaissance de ce dialecte si singulier. « C’est la langue de mes arrières-grands-parents, et aussi celle de mes parents : c’est pour cela que je dois me battre pour elle. Il ne reste que moi maintenant, donc je lutte pour sa sauvegarde, et pour qu’elle fasse son retour dans le pays ».
Disparu à cause de la colonisation puis le régime de l’apartheid, l’Afrikaans, langue issue du néerlandais, s’est peu à peu imposé, et le N|uu n’a pas été transmis aux générations suivantes. Avec une complexité impressionnante, cette langue contient 112 sonorités différentes et 45 combinaisons de clics.
L’enjeu aujourd’hui pour Katrina, c’est d’aider ces chercheurs qui ont fait tout un travail d’archives pour sauvegarder le N|uu et ont créé un système pour écrire la langue, qui n’était que parlée. Aussi, elle entend rouvrir sa petite école qui a connu un coup d’arrêt avec la pandémie dans l’optique d’enseigner la langue aux jeunes comme aux anciens.