Interview : Bintou Diallo, une vie au service de la jeunesse africaine !

Présidente du comité directeur de l’organisation citoyenne Afrika Tomorrow dont l’une des initiatives est le CréaHub, un incubateur de projets portés par les jeunes et les femmes, Bintou Diallo est devenue au fil des années une figure emblématique de l’univers de l’entrepreneuriat au féminin au Burkina Faso. Son célèbre programme de formation “Kandaces”, basé sur le leadership et le développement personnel, a déjà accompagné des centaines de filles dans toute l’Afrique.
Modèle et source d’inspiration pour plusieurs jeunes de son pays, Bintou Diallo veut croire en une Afrique dont le développement est axé sur l’humain, se fondant sur le potentiel des populations africaines, en particulier de ses jeunes…
Aujourd’hui, elle s’engage pour améliorer la situation des entrepreneurs africains, en donnant de son temps et de son savoir-faire aux jeunes pousses. Par ailleurs, Bintou Diallo est associée de TallMedia et travaille aux Nations Unies comme chargée des partenariats et financement du développement. Elle est convaincue que dans une société aujourd’hui très bouleversée, les femmes doivent être parties prenantes dans l’élaboration et la prise de décisions qui les concerne, tout autant que les hommes.
Madame Bintou a reçu, cette année, le Prix africain des droits de l’homme Timothy Bowles. Un prix en reconnaissance à ses qualités de leadership et de sa contribution exceptionnelle au travail humanitaire, au développement communautaire et pour ses efforts, afin de créer des leaders de demain. Interview exclusive avec une femme dont le parcours est une “école”.
Madame Bintou Diallo, au-delà de toutes vos casquettes, que devons-nous savoir sur vous ?
Bintou Diallo : Je suis Bintou Diallo, née le 28 décembre 1977, à Diébougou dans un petit village du Burkina Faso. J’ai grandi à Nouna, une petite ville dans la province de la Kossi, où j’ai fait l’école primaire et le collège. Je suis ainée de deux familles de cinq et de trois enfants, mariée et mère d’une fille.
Chaque personne a une histoire…. Partagez avec nous la vôtre. Que devons-nous retenir de votre parcours ?
Bintou Diallo : C’est l’histoire d’un enfant né de deux jeunes élèves, de 19 et 20 ans, qui se cherchaient, mais m’ont gardé malgré tout. Je me suis ensuite retrouvée chez mes grands-parents maternels où j’ai fait toute ma vie. J’ai grandi dans un milieu où j’essayais de m’en sortir, en tant qu’un enfant normal qui n’était pas considéré comme tel, dans un environnement plus ou moins hostile envers les enfants comme moi. Cette étape de ma vie a façonné mon caractère parce qu’à un moment donné, je me suis rendue compte que si je ne me levais pas, personne ne le ferait pour moi.
Très vite, je suis devenue sensible à certaines questions : “Qui suis-je ?” “Pourquoi dois-je traverser ça ?” “Pourquoi ma mère et mon père ne sont pas là ?” Mais il y avait mon grand-père et ma grand-mère qui se sont vraiment substitués à mes parents et je pouvais ressentir de l’amour venant d’eux. C’est cet amour qui m’a permis de tenir, de m’accrocher à quelque chose et d’avoir comme seul moyen de m’en sortir, bien travailler à l’école. Les études étaient devenues pour moi l’unique voie pour m’en sortir.
J’ai donc eu un parcours atypique, grâce aux enseignements de mon grand-père. Il me challengeait et me poussait à aller jusqu’au bout de l’enseignement que je recevais. Je me rappelle encore, qu’il martelait à ses filles et à moi que notre premier mari était notre travail. Avec lui, il n’y avait pas de tâches réservées aux filles et d’autres pour les garçons de la maison. Il nous mettait sur un même pied d’égalité… On allait comme les garçons, cultiver dans les champs et j’ai grandi avec cette mentalité que la femme est capable de tout faire.
Après des études à Dakar et en Hollande, vous rentrez au Burkina Faso pour vous investir dans la promotion des droits humains, notamment ceux des jeunes. Pourquoi le choix de cet engagement envers la jeunesse ?
Bintou Diallo : De 2010 à 2012, j’ai participé à plusieurs grandes conférences et j’entendais toujours les gens dire que “l’Afrique est le continent de l’avenir”. Mais très souvent, nous étions très peu d’africains dans la salle. Alors, je me suis questionnée pour savoir comment les africains pouvaient faire travailler cet avenir en faveur de notre continent s’ils l’ignorent et qu’ils n’arrivent pas à prendre part à ce genre de conférences où les décideurs se réunissent. J’en suis venue à la conclusion que nous devons “créer des jeunes” à un niveau plus bas des institutions pour que plus tard, ils puissent s’introduire dans les sphères de prises de décision et militer en faveur de notre continent avec une vision humaniste. Je ne voulais donc pas militer pour de l’afrocentrisme, mais pour une place à égale hauteur de sa participation à la construction de l’humanité.
Cet engagement vous conduit à la création de l’organisation citoyenne Afrika Tomorrow, avec votre époux. Dites-nous-en plus sur cette initiative.
Bintou Diallo : Exactement ! Afrika Tomorrow est née d’une volonté d’apporter notre contribution à la construction de la “nouvelle Afrique”, en formant des jeunes pour qu’ils soient compétitifs sur le marché mondial. Pas seulement dans la technicité, mais dans l’esprit et la valeur. Notre objectif est que chaque jeune qui sort de nos différents programmes soit un citoyen africain du monde. Un citoyen qui se connait et qui est une valeur ajoutée à l’univers.
L’organisation opérait depuis 2012, mais c’est en 2018 qu’elle a été officiellement enregistrée. Le nom Afrika Tomorrow a été proposé par mon mari. À l’époque où on cherchait à donner un nom à l’association : « Il me dit, ça te dirait quoi “demain l’Afrique ?” ». J’ai tout de suite approuvé le nom, mais je ne voulais pas que ça soit en français. Je pensais à un nom universel, dans une langue à laquelle tout le… [… Retrouvez l’intégralité de cette interview dans le 25e numéro du magazine Ocean’s News.